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unitaire s’y sont peu à peu ralliés. Presque tous acceptent les bases de l’Italie nouvelle ; ils en sont même fiers, et se montrent prêts à verser leur sang pour une monarchie que leurs pères raillaient avec incrédulité. Cette Italie, faite par la révolution, ils voudraient seulement la laver de ses souillures d’origine, la présenter au baptême de l’église, la faire bénir de la bouche qui l’a maudite au berceau ; mais, pour cela, il leur faut d’abord l’aveu de l’autorité à laquelle cette Italie nouvelle a coûté sa couronne, et cet aveu, le saint-siège l’a jusqu’ici refusé.

Sous Léon XIII, comme sous Pie IX, le Vatican, loin de rien attendre des armes légales, a tenu- systématiquement les catholiques en dehors des luttes politiques et du parlement. L’abstention lui paraissait la meilleure manière de protester contre un ordre de choses à la durée duquel il se refusait de croire. On a fait aux fidèles une sorte de cas de conscience de participer aux élections législatives. On leur a interdit l’entrée des assemblées, dont le serment au roi et au statut leur eût seul ouvert l’accès. Tout ce qu’ils pouvaient se permettre, c’était de prendre part aux affaires locales, aux humbles travaux des conseils provinciaux et municipaux. Lors de l’avènement de Léon XIII, on a pu croire que la fameuse maxime : Ne eletti, ne elettori serait officiellement abandonnée du Vatican, qu’encouragé par leurs succès dans les élections municipales et provinciales, il se déciderait à laisser ses adhérens approcher des urnes politiques. Les divisions intestines des deux grands partis issus de la révolution, le morcellement de la gauche, la déroute des modérés, semblaient inviter les catholiques à intervenir sur le champ de bataille parlementaire, à lancer, au milieu de ces troupes en désordre et en révolte contre leurs chefs, une phalange serrée qui, par sa discipline, sinon par le nombre, eût pu décider de la victoire et se la faire payer des vainqueurs. Les catholiques avaient le choix entre deux tactiques. Ils pouvaient former un parti nouveau, strictement conservateur et catholique, se portant, selon les besoins du moment, d’un côté ou de l’autre, pour faire pencher la balance à son gré, et vendant sa coopération au plus offrant. Ils pouvaient, au lieu d’avoir leurs propres candidats ou leurs propres députés, soutenir, dans les élections et dans le parlement, les hommes et les ministres les moins hostiles à l’église. La défaite de la droite constitutionnelle semblait leur en offrir l’occasion. Les modérés, incapables de ressaisir seuls le pouvoir, ne devaient-ils pas faire bon accueil à des auxiliaires dont l’appui pouvait leur ramener la victoire ? Quelques anciens cavouriens paraissent l’avoir un instant rêvé ; mais, des deux parts, une telle alliance soulevait d’insurmontables répugnances. Les catholiques