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dans leur capitale commune, se trouveront toujours trop exigeans l’un l’autre pour demeurer longtemps en bonne harmonie. Toute alliance, tout accord durable des deux adversaires semblant impossible et presque également pleins d’écueils pour tous deux, une simple réconciliation, la paix même entre eux, n’y perd-elle pas quelque chose de son prix ? La fin des hostilités entre le saint-siège et l’Italie n’en paraît-elle pas à la fois moins désirable et moins aisée, car, devant porter moins de fruits, elle imposera moins de sacrifices ?

En dehors de l’utopie d’une conciliation et d’un traité d’amitié des deux pouvoirs ennemis, il reste la possibilité d’amener entre eux, sinon une transaction, du moins une trêve, un désarmement réciproque, un modus vivendi laissant à chacun ses droits et prétentions. A cela doit se borner l’ambition des esprits pratiques de l’un et l’autre camps. Cette tâche, en apparence modeste, est encore singulièrement compliquée. Qui osera s’en charger, et par quelles voies y parvenir ? Dans un pays en possession des libertés politiques, le moyen le plus simple semble d’y intéresser la nation, de la convaincre des avantages qu’elle y trouverait, de constituer un parti capable d’y préparer, d’y amener le pays et le gouvernement. Comment, sous ce rapport, n’a-t-on pas fait davantage en Italie ? Pourquoi ne voit-on pas au Monte-Citorio de parti qui se soit attribué cette haute mission ?


III

Dans tous les états qui comptent un grand nombre de sujets catholiques se rencontrent aujourd’hui des partis politiques dont le but, plus ou moins avoué, est la défense des privilèges ou des libertés de l’église. Comment un pays dont la presque totalité des habitans sont catholiques, un pays qui possède dans son sein l’arbitre suprême de la foi, est-il presque le seul de l’Europe qui, parmi ses différens groupes ou fractions parlementaires, ne compte pas de parti catholique ou « clérical ? » Assurément ce ne sont pas les élémens, les matériaux sociaux dont se forme ailleurs un tel parti qui font défaut des Alpes à l’Etna. Ce qui leur manque, c’est un ciment pour les réunir, des mains pour les mettre en œuvre. Les classes et les intérêts où pourrait se recruter une droite catholique n’ont pas, depuis 1860 ou 1870, disparu du sol sur lequel ils ont si longtemps régné. Bien que diminués en nombre et en importance, bien que moins puissans qu’on ne l’imagine parfois à l’étranger, la péninsule possède encore les soldats et les cadres d’une droite cléricale ; il serait aisé de les former en troupes régulières