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ou en Afrique, ce ne serait pas pour complaire à l’Italie ou à l’Allemagne, ce serait que l’aveuglement de nos néo-jacobins l’aurait contrainte à répondre à leurs hostilités sur le continent par des représailles ailleurs. Le temps est loin où la cause de l’église pouvait se confondre avec celle d’un peuple ou d’une dynastie, comme il y a mille ans, avec celle des Francs et des premiers Carlovingiens. Il est interdit au Vatican de s’inféoder à aucune alliance temporelle, à aucune ligue monarchique ou autre, et encore moins à l’alliance italienne, parce que de toutes, ce serait la plus lourde.

Est-il besoin d’insister sur les difficultés et les périls que présenterait, pour le saint-siège, toute intimité, toute entente, tout accord avec la royauté italienne ? Ne vaut-il pas mieux nous demander si, dans un pareil rapprochement, le Vatican et l’autorité spirituelle seraient seuls à risquer une part de leur liberté d’action ? si le Quirinal et le pouvoir civil n’y seraient pas également exposés à perdre quelque chose de leur indépendance ? si, en un mot, la plupart des considérations, qui interdisent au Vatican toute intimité avec le Quirinal ne peuvent pas se retourner pour mettre le Quirinal en garde contre toute alliance avec le Vatican ? Devant les maximes traditionnelles de l’église, avec la façon dont le saint-siège entend la liberté dans le pays où il réside, on peut dire que l’amitié et le concours du pape ne coûteraient guère moins à la monarchie que le concours ou l’amitié de la royauté à la papauté. Si tout patriote doit désirer la pacification religieuse de l’Italie, il est difficile à un politique de souhaiter un accord en règle, et encore moins un traité d’alliance avec le saint-siège. En Italie, plus encore qu’ailleurs, sur la terre habitée par le vicaire du Christ, l’état sent qu’il ne saurait devenir l’allié de l’église qu’en obéissant à sa direction, qu’en s’en faisant peu à peu le serviteur et l’homme-lige. Or, si la papauté a son indépendance à garder vis-à-vis de l’Italie nouvelle, le gouvernement civil a, lui aussi, son indépendance à maintenir vis-à-vis de l’église et de la papauté. Si le souverain pontife doit éviter tout ce qui semblerait faire de lui le grand aumônier ou le chapelain du roi d’Italie, ce dernier n’a guère moins de raisons de fuir tout ce qui paraîtrait le rabaisser au rang de vicaire temporel ou de gonfalonier du pape. Pour l’état laïque, non moins que pour l’autorité ecclésiastique, toute apparence de dépendance, de connivence, de complaisance excessive serait une cause de faiblesse, serait un péril dont, pour garder leur ascendant, ils ont presque également à se défendre. Plus on y réfléchira, et plus, croyons-nous, l’on s’en convaincra. Quelle que soit leur bonne volonté réciproque, en dehors de leurs mutuels griefs, en dehors même de l’incompatibilité trop manifeste de leurs principes, l’église et l’état, en Italie, à Rome,