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appelle la triple alliance, pour rattacher plus que jamais l’Italie à l’Autriche et à l’Allemagne. Il aura peut-être l’occasion de parler de cela au Quirinal ; mais il fait surtout le voyage pour voir le pape, c’est bien visible. M. de Bismarck n’aura pas besoin d’aller à Canossa ; le prince impérial va au Vatican. Ce n’est point, sans doute, que le fils de l’empereur Guillaume aille au Vatican avec cette bizarre pensée que les esprits inventifs lui attribuent de sceller une sorte de sainte alliance des monarchies sous les auspices du souverain pontife. Le spectacle n’est pas moins curieux, et le voyage de l’héritier de l’empire d’Allemagne, bien que n’ayant pas probablement toute la signification qu’on lui prête, reste à coup sûr un incident original dans ce mouvement perpétuel des princes au moment présent.

Sans vouloir, en effet, diminuer l’importance de toutes ces visites et de tous ces voyages princiers qui ont occupé l’Europe depuis quelques mois, on pourrait peut-être dire cependant qu’il y a dans tout cela plus de bruit que de résultats bien décisifs. Il peut y avoir profit pour les puissans, pour ceux qui conduisent le monde et manœuvrent en maîtres sur l’échiquier européen ; les états qui ne peuvent aspirer aux premiers rôles risquent d’avoir plus de satisfactions de vanité ou d’illusions que d’avantages réels. Les pays les plus heureux sont encore ceux qui restent tout simplement dans leur condition, sans se mêler aux grandes combinaisons, sans chercher les alliances dont ils n’ont pas besoin ; ils ne sont pas exposés aux aventures et aux mécomptes, ils font leurs affaires et c’est assez pour eux. La Hollande, au milieu du brouhaha des voyages princiers, n’a eu cet été que le paisible et intéressant spectacle de l’exposition d’Amsterdam, et, en fait de visites princières, elle n’a eu que celle du roi des Belges, dont la présence fêtée partout a été comme le signe visible d’une amitié naturelle et désormais invariable entre les deux peuples aussi bien qu’entre les deux maisons régnantes. La Hollande ne s’en est pas plus mal trouvée. Elle a maintenant ses affaires intérieures et elle a eu récemment des incidens parlementaires assez sérieux pour mettre à l’épreuve le ministère de M. Heemskerk, qui n’a pourtant encore qu’une courte existence, qui est à peine depuis quelques mois au pouvoir.

C’est dans la dernière discussion du budget et à propos de questions coloniales, toujours graves en Hollande, que ces incidens se sont produits. La seconde chambre a rejeté le chapitre le plus important du budget des Indes orientales, et le ministre des colonies, M. van Bloemer Vaanders, s’est cru obligé de donner immédiatement sa démission. À dire vrai, la majorité ne demandait peut-être pas mieux que de provoquer cette démission. Le ministre des colonies, M. Vaanders, n’inspirait qu’une médiocre confiance aux partisans d’une politique libérale aux colonies, et, d’un autre côté, il n’était pas moins suspect