Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 60.djvu/948

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses imitateurs n’aura véritablement servi qu’à mieux faire éclater le mérite particulier de M. Jules Verne. Le livre de M. Calvet ne laisse pas d’être amusant à lire, et d’une verve quelquefois heureuse ; mais c’est le fond qu’il en aurait fallu renouveler plus ingénieusement. Si dans mille ans la science n’a réalisé que le peu de progrès imaginés par M. Calvet, ce sera bien peu de chose et nous osons attendre mieux d’elle. Après cela, l’auteur nous répondra qu’il s’adressait à la jeunesse, et peut-être aura-t-il raison.

Il est bien certain qu’il y a une manière d’écrire pour la jeunesse. On ne la connaît nulle part mieux qu’au Journal de la jeunesse[1], ou au Magasin d’éducation et de récréation[2] Les lecteurs à qui vont l’une et l’autre de ces deux publications ne s’inquiètent pas tant du fond que de la forme des choses ; et il s’agit surtout de les intéresser adroitement aux choses que, plus tard, ils étudieront de plus près. Il importe beaucoup moins de remplir leur jeune esprit de notions disparates et indigestes, que de l’éveiller et de le provoquer à se porter de lui-même au-delà de ce qu’on lui propose. C’est ce qui fait le prix de ces jolis volumes que l’on en tire tous les ans : Câline, par Mme Zénaïde Fleuriot ; les Millions de la tante Zézé, par M. J. Girardin ; Pour la muse, par Mlle Colomb ; la Peau du tigre, par M. Rousselet. Ajoutons-y trois volumes nouveaux de la Bibliothèque des merveilles, et, pour un âge moins avancé, cinq volumes de la Bibliothèque rose, dont nous avouerons que nous n’avons lu, pour notre part, qu’un seul, à savoir : le Petit Comte, cinq nouvelles signées du nom d’Ouïda, mais que nous recommandons hardiment sur la foi des bons souvenirs que nous ont laissés tous ceux que nous lisions si avidement jadis[3].

Nous avons gardé pour la fin, en raison de son espèce d’individualité continuée d’année en année, la collection Hetzel. Passons rapidement sur les Albums Stahl et sur la Petite Bibliothèque blanche, non pas pourtant sans y signaler, par acquit de conscience, la Vie des fleurs, de M. E. Noël, le Petit Théâtre de famille, de M. Gennevraye, et disons quelques mots de quatre ou cinq volumes choisis. — Dans son Année de collège à Paris, M. André Laurie continue de décrire ces Scènes de la vie de collège dans tous les pays, dont nous avons déjà signalé les deux premiers volumes. C’est habilement composé, suffisamment exact, et très vivant. Peut-être, par une crainte légitime de troubler la sécurité des familles, les choses y sont-elles représentées plutôt en beau. M. André Laurie ne touche que d’une main bien discrète à ce que nos internats ont de parfois inhumain. Il a raison, après tout, puisque c’est un mal nécessaire et qu’aussi bien plus d’un avantage y compensent assez les inconvéniens.

  1. 2 vol. in-8o ; Hachette.
  2. 2 vol. in-8o ; Hetzel.
  3. Hachette, éditeur.