Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 60.djvu/923

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est d’abord d’employer de ces magasins mobiles ou chargeurs dont les Russes ont fait usage. Les systèmes perfectionnés ou automatiques qu’on a proposés sont d’un fonctionnement plus ou moins défectueux et n’ont pas été admis. On a cherché à démontrer qu’en principe ces appareils ont une foule d’avantages que n’ont pas les mécanismes à répétition, mais, au vrai, ils ne semblent en avoir incontestablement qu’un, c’est de coûter moins cher; il n’en reste pas moins pourtant que leur adoption entraînerait une dépense de plusieurs millions (une vingtaine, au bas mot) et qu’on n’a pas encore trouvé de modèles qui ne fussent pas fragiles, encombrans, lourds et, par surcroît, irréguliers dans leur fonctionnement.

L’autre moyen est assurément plus économique et plus simple; malheureusement il n’est pas très efficace. Il consiste dans l’adoption par l’infanterie du chargement à mitraille déjà en usage dans l’artillerie. On l’a déjà essayé à plusieurs reprises : les tromblons, les espingoles, les mortiers à main ne lançaient autre chose que de la mitraille. Mais ces armes n’avaient aucune portée. Presque toujours les balles, soit qu’elles se heurtent à la sortie de l’âme, soit pour d’autres raisons, partent dans toutes les directions, sauf la bonne. Avec un fusil Gras chargé de chevrotines, on manquerait infailliblement une maison à 200 mètres. Il reste pourtant bien vrai qu’il est fort illogique d’employer des balles pesantes aux petites distances. Pourquoi, en effet, recherche-t-on les projectiles lourds? Uniquement pour avoir une grande portée; si on n’avait qu’à tirer sur des buts rapprochés, des projectiles relativement légers suffiraient. — Mais ils n’auraient pas de précision ! — Soit ; eh bien ! en en mettant deux, trois ou quatre dans le canon, on augmentera le terrain battu : tout ce qui se trouvera dans la gerbe de dispersion sera atteint et le soldat n’aura même pas besoin de viser dans le tir rapproché, où il est le moins capable de le faire. C’est donc encore là un mode de chargement qui convient aux armées inexpérimentées de notre époque.

Déjà, pour donner aux fusils de munition se chargeant par la bouche une puissance égale à celle du fusil à aiguille prussien, le lieutenant-colonel W. de Ploennies avait proposé des cartouches contenant une pile de quatre projectiles. C’est pour rendre les fusils ordinaires se chargeant par la culasse équivalens aux armes à répétition qu’on reprend ces propositions avec des perfectionnemens de nature à les faire prendre en considération. Si elles étaient adoptées, il suffirait de munir le soldat d’un certain nombre de cartouches à mitraille qu’on n’emploierait qu’aux petites distances, lorsqu’on serait pressé par un ennemi par trop entreprenant. La commission de Versailles, paraît-il, n’admet que le chargement à deux balles,