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en Tunisie lorsque les canons de montagne ont fait leurs débuts contre les Kroumirs d’une manière assez piteuse, paraît-il?

Peut-être en reviendra-t-on à la mitrailleuse, comme à l’instrument par excellence de la fusillade à grande distance, car c’est bien une arme d’infanterie, et non, comme on l’avait cru d’abord, d’artillerie. On ne voit pas pourquoi elle ne rendrait pas des services dans la défensive, dans la guerre de siège, en particulier. Sur le champ de bataille il en va tout autrement. Une batterie de canons à balles ne peut se faufiler partout, s’embusquer sous bois, gravir des escarpemens, passer par d’étroits sentiers, s’abriter derrière une haie, comme font les tirailleurs. Il lui faut tout un train de chevaux, de voitures, de caissons pour ses transports et ses ravitaillemens : elle forme un ensemble lourd et massif qui se cache mal et se déplace difficilement. Mais sa valeur balistique est bien supérieure à celle d’une compagnie d’infanterie, et cette compagnie, si on doit recourir au tir à outrance, sera bien alourdie par les réserves de munitions qu’elle sera obligée de transporter. Déjà le ravitaillement sur le champ de bataille présente des difficultés qui effraient certains officiers ; la distribution des cartouches, portées dans des bissacs depuis les caissons de bataillons jusqu’à la ligne de combat, le réapprovisionnement des caissons de bataillons aux sections de munitions, tout cela ne laisse pas que de paraître compliqué. Lorsque, dans leurs sorties, les Turcs ont voulu appliquer leur tactique de tir à outrance, leurs compagnies étaient suivies d’un interminable convoi de bêtes de somme. On comptait par tabor jusqu’à soixante mulets, chevaux ou ânes.

C’est surtout avec des armes à balles lourdes, comme le martini-henry des Anglais, qu’on doit voir de longues files de caissons à la suite des colonnes expéditionnaires. L’armée du général Robert, en Afghanistan, ne comptait pas moins de 8 valets d’armée pour 9 combattans.

Si donc on veut produire une fusillade nourrie, infernale, il faut s’attendre à traîner derrière soi un interminable charroi, et, à cause des difficultés de réapprovisionnement, il sera sage d’emporter sur soi le plus de cartouches possible. Mais le fantassin est déjà bien surchargé. Il est devenu moins résistant à la fatigue qu’il ne l’a jamais été. L’introduction d’élémens d’inégale valeur dans les rangs a ce fâcheux effet qu’il faut compter avec les plus faibles et se régler sur eux. La vitesse de l’allure dépend des petites jambes : on règle le pas de façon à ne laisser personne en arrière. Le fardeau doit être aussi ramené à un minimum d’autant moins élevé que les épaules qui auront à porter le havre-sac ont perdu l’habitude de ce genre de charge. Un même effort ne fatigue pas également, suivant qu’il est supporté par telle partie du corps ou telle autre. Si dures que