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retardé la réception de nouveaux présidons et conseillers pour installer son neveu, qui vient d’acheter une charge ancienne : « Pour favoriser le débit de la création, le roi défend de recevoir aux anciennes charges avant que les nouvelles soient toutes remplies et leurs acheteurs reçus[1]. »

Ce trafic est si nécessaire au trésor qu’il est difficile de ne pas sacrifier au désir de le rendre plus facile et plus fructueux, soit les conditions d’âge, de bonne conduite, d’aptitude, d’instruction qu’on exige ordinairement des officiers publics pour assurer l’exercice honnête et régulier de leurs fonctions, soit même la moralité et la dignité des fonctionnaires.

À la fin de 1689, l’un des grands maîtres des eaux et forêts nouvellement créés, voulant « se dédommager du prix de sa charge, » fait chercher « un marchand de confiance » auquel il adjugera la coupe de bois qui doit produire la plus grosse somme ; « il trouvera moyen de trancher sur les enchères et de se rendre maître, » si on donne 10,000 livres, « dont moitié sera pour lui et le surplus sera partagé entre ceux du complot. » L’intendant du Hainaut, en faisant connaître ce fait coupable, se borne à dire : « Comme toutes les charges de grands maîtres ne sont peut-être pas vendues, et qu’il peut y avoir raison de ne pas chercher à dégoûter ceux qui y pensent en veillant de trop près sur leur conduite, je me contenterai d’empêcher, autant que je pourrai, l’abus, et de vous mander ce que j’aurai appris de l’adjudication. » — En Bourgogne, les greffiers des rôles des tailles réclament le droit de dresser les rôles de l’imposition qui se fait pour l’affranchissement des cens et des rentes ; l’intendant estime que cette demande est mal fondée : « On devrait, écrit-il (18 mars 1694) la rejeter nettement, s’il ne restoit des offices à vendre. »

En Normandie, les magistrats du présidial de Rouen mettent des obstacles à l’installation des conseillers d’honneur qui viennent d’y être créés, et leur refusent le rang qui leur est attribué par l’édit de création, l’intendant s’en plaint (mars 1691) et « demande des lettres de cachet pour punir les principaux opposans. » Une contestation analogue s’élève dans le présidial de Blois, « à propos de la réception d’un valet de garde-robe de Monsieur, qui ayant acquis une charge de conseiller d’honneur, prétend être reçu en épée, bien qu’il n’ait jamais servi, et qui ne peut non plus porter la robe longue, n’étant pas gradué. » En Dauphiné, l’intendant est obligé de soutenir contre les officiers de l’élection de Grenoble, l’acquéreur d’une nouvelle charge d’assesseur, « que ses collègues

  1. Correspondance du contrôleur-général avec les intendans, t. II, no 699, 1257.