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comme on vient de le voir, d’autres prêteurs : il atteignit néanmoins la somme considérable de 120 millions. La source ouverte par la création d’offices nouveaux fut plus abondante et plus riche : elle donna 500 millions. Il est vrai qu’on y puisa à pleines mains, de toutes façons, sans être arrêté ou modéré par aucun scrupule.

Les fonctions les plus élevées du royaume, celles qui exigent que ceux qui les remplissent possèdent toute la confiance du gouvernement et que, s’ils la perdent, ils les quittent, furent érigées en offices héréditaires et vendues à qui voulut ou put les acheter. Huit charges de maîtres des requêtes, auxquelles n’était cependant attaché qu’un faible gage annuel de 1,300 livres, furent payées 1,520,000 livres (190,000 livres chacune) ; quatre offices d’intendans des finances furent vendus 1,200,000 livres ; enfin les deux charges de directeurs des finances créées en 1701 pour suppléer à l’insuffisance de Chamillart, et dont l’une fut occupée par Desmarets, coûtèrent 800,000 livres chacune[1].

Cependant ce n’était pas dans ces premières charges de l’état que pouvait se trouver le développement complet et productif du système que poursuivait l’administration des finances : il fut appliqué à tous les services publics.

Les corps judiciaires, si nombreux alors, les parlemens, les chambres des comptes, les cours des aides, toutes les autres juridictions supérieures ou inférieures, virent augmenter, sans nécessité et sans utilité, le nombre de leurs membres, à moins qu’ils ne prissent le parti de financer eux-mêmes, pour éteindre en les réunissant collectivement à la compagnie les offices nouveaux, et pour se soustraire à des mesures qui atteignaient les magistrats dans leur considération et dans leurs intérêts.

À Paris seulement, des charges créées dans le parlement, en 1690, furent vendues 3 millions, et des charges créées dans la chambre des comptes une somme presque égale : en 1704, on vendit pour un prix total de 6 millions des charges nouvelles, dans le parlement, la chambre des comptes et la cour des aides[2].

  1. On trouve encore : deux charges de gardes du trésor vendues 1,600,000 livres ; et plus tard une seule, 1 million de livres ; des charges de secrétaires du roi et des offices au grand conseil, 8,650.000 livres ; des charges de lieutenans-généraux de police dans les provinces, 3,600,000 livres ; deux offices de trésoriers de l’extra des guerres, 3 600,000 livres ; divers offices de trésoriers des corps composant la maison du roi, 2,684,000 livres.
  2. Sept charges de présidens aux cinq chambres des enquêtes du parlement à 200,000 livres chacune ; quinze charges de conseillers à 100,000 livres avec trois offices de greffiers principaux à la grande chambre ; quatre charges de maîtres à la chambre des comptes à 120,000 livres chacune ; quatre de correcteurs à 50,000 et quatre d’auditeurs à 45,000 livres ; à la cour des aides, deux charges de présidens à 200.000 livres chacune et six de conseillers à 60,000 livres.