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Une somme égale de 140 millions est le prix de la concession à des traitans de perceptions et de redevances que l’état convertit en un capital mis immédiatement à sa disposition, ou du rachat par les contribuables de taxes auxquelles ils sont assujettis. — C’est ainsi qu’un traité pour le recouvrement pendant huit ans de droits d’amortissemens et de francs-fiefs produit 15 millions ; — on obtient 8 millions 1/2 pour l’affranchissement de droits de censives, rentes foncières et autres ; — près de 11 millions pour des aliénations de droits domaniaux, de greffes et autres droits en dépendant ; — 3 millions 1/2 pour le rachat de la taxe des boues et lanternes ; — 16 millions 1/2 pour la concession du contrôle des actes ; — le rachat de la capitation par quelques contribuables donne 6 millions 1/2 ; — le clergé, pour s’affranchir de cet impôt, paie 24 millions en 1710, et 8 millions en 1711 pour se racheter de l’impôt du dixième[1].

Mais, sur les 900 millions que produisent les affaires extraordinaires, plus des deux tiers (620 millions), sont demandés à l’exercice même des fonctions publiques : des augmentations de gages attribuées aux offices déjà, existans font verser au trésor 120 millions et des offices nouvellement créés sont payés 500 millions. « Les finances d’aucun pays n’offrent une suite semblable de moyens mis en œuvre pour se procurer de l’argent[2]. »

On sait que sous l’ancienne monarchie presque toutes les charges publiques étaient vénales et héréditaires. En 1512, Louis XII avait commencé à vendre des offices de finance et même quelques charges de judicature, et, après lui, François Ieravait abusé de cette ressource ; aussi la vénalité des offices ne tarda pas à provoquer de vives réclamations. Bodin, dans sa République, et Montaigne, dans ses Essais, s’élèvent hautement contre un trafic « qui livre au plus offrant des fonctions exigeant de la science et de la probité, » et qu’ils qualifient de scandaleux. Le chancelier de L’Hôpital se borna à soumettre la vénalité des offices à des conditions de moralité et de capacité. En 1604, Sully consacra non-seulement la vénalité, mais l’hérédité des charges publiques, et, notamment, des charges de justice, en soumettant les titulaires, qui voulaient assurer la propriété de leur office à leurs héritiers, au paiement d’un droit annuel,

  1. On citera encore : une augmentation de 30 sous par minot de sel, 2 millions ; droits de jauge et de courtage abandonnés aux fermiers des aides, 1,800,000 livres ; affranchissement des tailles en Dauphiné et en Languedoc, 3 millions ; attribution de droits manuels aux officiers des greniers à sel et désunion des greniers d’avec les élections, 4,300,000 ; aliénation du sixième denier, 5 millions ; une livre d’augmentation sur le suif à Paris pendant onze ans, 2,400,000 livres.
  2. Depping, t. II ; introd., p. 21.