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ne peut méconnaître l’arbitraire et la violence. — En 1661, le produit brut des impôts était de 84 millions, sur lesquels il en fallait prélever 52 pour le service des rentes et l’acquittement d’autres charges ; il ne restait que 32 millions de revenu net, et les dépenses montaient à 60. — Cinq ans après, en 1666, Colbert était parvenu à porter à 92 millions le produit brut des revenus et à réduire à 34 le montant des rentes et des charges : la recette nette du trésor s’était élevée à 58 millions et présentait un excédent considérable sur les dépenses, qui avaient pu être réduites à 43[1].

La guerre troubla cette prospérité financière. Celle de la dévolution ne dura que deux ans ; mais celle de Hollande, qui provoqua la première coalition de l’Europe, commença en 1672 et ne se termina qu’en 1678 : elle porta les dépenses à plus de 100 millions par an, et, pour y pourvoir, il fallut recourir à des ressources extraordinaires, demandées le plus souvent à des impositions qui soulevèrent parfois de sérieuses difficultés et des révoltes. Aussi, après le traité de Nimègue, Colbert mit tous ses soins à rapprocher le budget de l’équilibre, et il y réussit cette fois en n’employant que des moyens d’une régularité irréprochable, La sécurité qu’inspirait le retour de la paix permettant d’émettre facilement des rentes au denier 20 (5 pour 100), il déclara obligatoire, par rang d’émission et avec délai de rigueur, le remboursement des rentes qui avaient été créées pendant la guerre à un taux plus élevé. Il réalisa paisiblement et sans secousses, de 1679 à 1683, une économie annuelle de 2 millions. Depuis 1661, l’impôt si lourd et si inégal des tailles avait pu être diminué de 22 millions ; cependant, en 1683, grâce à l’augmentation successive des taxes de consommation, qui avaient alors le grand avantage de ne comporter, dans leur assiette et leur perception, ni exemptions ni privilèges, le produit brut du revenu public s’était élevé à 112 millions, et, après un prélèvement de 23 pour l’acquittement des charges, — dont 8 seulement pour le service de la dette publique, — il restait un produit net de 89 millions. Les dépenses ordinaires atteignaient, il est vrai, 96 millions, et il restait une dette flottante de 38 millions remboursables à bureau ouvert et qui avaient été fournis au trésor par une caisse des emprunts que Colbert avait instituée. Toutefois, avec le système de remboursemens et d’économie pratiqué depuis la paix de Nimègue, il est évident que l’équilibre déjà introduit dans le budget n’aurait pas tardé à être rétabli.

La tâche de Colbert était d’autant plus difficile que, pendant la paix, il avait à lutter contre la magnificence du roi et sa passion

  1. Comptes de Mallet, pages 286, 314, 343, 358.