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ses armées des hommes de guerre tels que Condé, Turenne et Luxembourg, et lui fait trouver pour instrumens de sa volonté des ministres tels que de Lionne, Colbert, Louvois. La guerre de la dévolution et celle de Hollande occupent et illustrent le milieu de sa vie. En plein hiver, en vingt-deux jours de février 1668, il enlève aux Espagnols toutes les places de la Franche-Comté, pour les leur rendre au congrès d’Aix-la-Chapelle au mois de mai suivant. En 1672, après avoir employé, pendant quatre ans, tous les efforts de sa diplomatie à isoler, en Europe, la république des Provinces-Unies, prenant avec Turenne le commandement de son armée, il effectue ce passage du Rhin, célébré par Boileau, et pénètre dans la Hollande, qu’il occupe en quelques jours ; mais les digues sont rompues et l’inondation arrête sa marche victorieuse. En juin 1673, il assiège, avec Vauban, Maestricht, qui capitule après trois semaines de tranchées ; en 1674, il ne lui faut, comme en 1668, que quelques semaines pour se rendre maître de la Franche-Comté ; Condé remporte la sanglante victoire de Senef et Turenne reconquiert l’Alsace, où les Impériaux ont pénétré. Après avoir encore, pendant trois ans, poursuivi cette grande guerre contre toute l’Europe, il traite à Nimégue. en 1678, avec la Hollande, avec l’Espagne, avec l’Empire. Désormais il possède au nord de la France une ligne qui s’étend de Dunkerque à la Meuse : « La monarchie espagnole est désarmée. »

« Le roi, dit Voltaire, fut en ce temps au comble de la grandeur. Victorieux depuis qu’il régnait, n’ayant assiégé aucune place qu’il n’eût prise, supérieur en tous genres à ses ennemis réunis, la terreur de l’Europe pendant six ans de suite, enfin son arbitre et son pacificateur, ajoutant à ses états la Franche-Comté, Dunkerque et la moitié de la Flandre ; et ce qu’il devait compter pour le plus grand de ses avantages, roi d’une nation alors heureuse, et alors le modèle des autres nations. L’Hôtel de Ville de Paris lui décerna le nom de Grand avec solennité. »

Louis XIV n’a pas quarante ans, et rien encore n’a ralenti son activité et son ambition : tandis que toute l’Europe désarme, il conserve ses troupes et veut se faire de la paix un temps de conquête. C’est par un coup de main que Louvois prend, en 1681, la ville libre de Strasbourg, et le roi y fait, le 24 octobre, une entrée triomphale, pendant que, le même jour, Catinat prend possession de la ville et du château de Casal, achetés secrètement au duc de Mantoue. À cette politique de guerres et d’agrandissemens sans limites l’Europe répond par la ligue d’Augsbourg, et bientôt la révolution de 1688, en plaçant Guillaume d’Orange sur le trône d’Angleterre, donne à Louis XIV son plus redoutable adversaire. Le roi a cinquante ans : il commence à perdre l’heureuse fortune de sa jeunesse, et la guerre de la ligue d’Augsbourg, qui commence en