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demandes de prêts fonciers à prévoir en 1884. L’obligation foncière est un admirable instrument de crédit. Ce titre, qui représente une créance immobilière triplement garantie par la valeur du gage, par le capital et les réserves de la société et par la facilité d’une réalisation immédiate, jouit auprès du public français d’une popularité plus grande encore peut-être que la rente elle-même. Encouragé par son succès du commencement de l’année, le Crédit foncier n’a pas hésité à fixer au même niveau le prix de cette nouvelle émission, bien que les circonstances fussent moins favorables. Le prix de 330 francs était toutefois tellement avantageux que personne n’avait doute que l’emprunt ne fût couvert et au-delà. Le résultat a dépassé les prévisions les plus optimistes. On pouvait souscrire des obligations à versemens échelonnés jusqu’en 1885, et, sur ces titres, le chiffre des demandes a atteint environ 500,000; mais, comme on savait que les demandes d’obligations entièrement libérées seraient servies avant les autres et qu’elles seraient en fort grand nombre, les capitalistes se sont décidés en masse pour les souscriptions de cette seconde catégorie et ont demandé neuf cent trente-cinq mille titres. Ainsi les souscripteurs d’obligations non libérées ne pourront rien recevoir dans la répartition, et les autres n’auront en moyenne qu’environ les deux tiers de ce qu’ils ont demandé.

Il n’était pas possible d’obtenir une démonstration plus éclatante de l’évolution qui s’est faite depuis deux ans, c’est-à-dire depuis le krach de 1881, dans l’humeur des petits capitalistes dont la masse constitue cet immense réservoir de capitaux qui semble inépuisable, puisque, après tant de pertes, et au milieu de circonstances si difficiles, on vient d’en voir sortir en un seul jour la somme de 300 millions. L’épargne ne veut plus de valeurs douteuses, de placemens aléatoires ; elle n’avait jamais perdu le goût des obligations rapportant un faible intérêt, parce qu’elles sont solidement garanties; mais ce goût est devenu beaucoup plus vif, on pourrait dire à peu près exclusif, depuis qu’une série de catastrophes a détruit la légende des placemens à plus-values indéfinies.

L’obligation de chemins de fer, garantie par l’état, jouit d’une faveur au moins égale à celle de i obligation foncière. La première est cotée un peu plus cher que la seconde parce que la période de remboursement est plus courte. En fait, si les deux catégories de titres ont chacune leur clientèle, elles présentent les mêmes avantages, la même solidité, et conviennent aux mêmes portefeuilles. L’obligation de chemins de fer a un peu fléchi pendant ces derniers temps. Plusieurs explications peuvent être données de ce fait : tout d’abord, les tendances générales du marché, qui ont été constamment mauvaises, puis les deux émissions du Crédit foncier, celle de janvier dernier et celle