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des troupes, ne paraît pas s’être cru tout d’abord en mesure d’engager des opérations sérieuses; ils ont marché d’un autre côté. Les relations avec la Chine ont pris un caractère de plus en plus vif et touchent visiblement à une rupture. La cour de Pékin a récemment communiqué à notre gouvernement un mémorandum par lequel elle déclare que si des soldats français attaquent les deux places de Bac-Ninh et de Son-Tay, que nous considérons comme la garantie de notre protectorat, de notre sûreté dans le Tonkin, ces deux places seront défendues par des soldats chinois. M. le président du conseil, de son côté, a répondu ces jours passés à ce mémorandum par des propositions nouvelles. Est-ce la guerre ? Est-ce encore la paix possible par un dernier effort de diplomatie? (Test une question qui se renouvelle sans cesse depuis six mois. Il faudrait cependant savoir où nous en sommes et en finir avec ces incertitudes d’une politique toujours flottante entre l’action militaire et les négociations.

La vérité est que, depuis le commencement, soit par une certaine crainte des chambres, soit par une incurable indécision dans les conseils, on n’a jamais su prendre une résolution à propos. Si, au moment opportun, on avait envoyé au commandant Rivière les secours qu’il demandait, bien des complications auraient été vraisemblablement prévenues ou dominées dès l’origine. Si, au lendemain de la tragique aventure du malheureux officier, on avait expédié des forces suffisantes et si surtout, au lieu de se donner le médiocre plaisir de nommer un commissaire civil, on avait chargé un des chefs de notre armée des intérêts de la France, une action militaire aurait pu dès lors s’engager, et elle aurait été conduite comme elle doit l’être. Si, depuis trois mois, on n’avait pas mesuré avec une méticuleuse et dangereuse parcimonie les renforts évidemment nécessaires, l’amiral Courbet en aurait probablement fini à l’heure qu’il est; il aurait pu se rendre maître de Bac-Ninh et de Son-Tay. La question serait à peu près tranchée, même peut-être pour la Chine, au lieu d’être plus compliquée que jamais. Qu’il n’y ait plus à hésiter désormais si les places sur lesquelles doit flotter le drapeau français nous sont disputées, que nos soldats ne soient pas arrêtés par cette considération qu’ils peuvent rencontrer des soldats chinois, cela n’est pas douteux. Il n’est pas moins vrai que ce sont toutes ces tergiversations qui ont contribué à conduire nos affaires au point où elles en sont, en encourageant les prétentions de la Chine, en lui laissant surtout le temps de nous créer des difficultés qui, au début, auraient été peu sérieuses.

Aujourd’hui la question est justement de savoir dans quelle mesure on combinera une certaine action militaire et une certaine action diplomatique pour en finir, pour assurer l’essentiel à la dignité et aux intérêts de la France sans se jeter dans les aventures illimitées. On a dit plus d’une fois, dans ces derniers temps, que l’Angleterre voulait