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1791, et sa réélection, l’année suivante, à la convention nationale.

Dans l’une et dans l’autre assemblée, comme il n’était pas beau à voir et qu’il ne savait point parler, Romme ne joua qu’un rôle très effacé. Mais, en deux ou trois circonstances, on le vit agir conformément à sa nature, et le personnage public, en lui, ne démentit point l’homme privé. Dans le procès du roi, son hypocrisie jacobine se traduisit par un vote justement demeuré célèbre : « Si je votais comme citoyen, l’humanité et la philosophie me feraient répugner à prononcer la mort, mais, comme représentant de la nation, je dois puiser mon suffrage dans la loi même... et je demande que Louis soit condamné à mort. » Membre du comité de l’instruction publique, il eut la gloire de faire voter la suppression de la maison de Saint-Cyr comme « repaire de filles d’aristocrates, » et une autre fois la suppression de la place de directeur de l’Académie de France à Rome, en attendant la suppression de l’Académie elle-même, ou, comme il disait, sa réorganisation « sur les principes de liberté et d’égalité qui dirigeaient la République. » Rapporteur de la loi sur l’organisation des écoles primaires, c’est aussi lui qui formula le premier des principes qui depuis... ont fait fortune. « Qu’on ne parle plus, s’écriait-il, d’institutions libres, d’enseignement particulier, du droit des pères de famille ; la république doit être le seul dispensateur gratuit des connaissances, l’unique régulateur des intelligences, sous peine de voir se perpétuer dans l’état cette odieuse division : les Citoyens et les Messieurs. »

Mais la plus mémorable invention où demeure attaché le nom de Gilbert Romme est certainement celle du calendrier républicain. Ce que l’invention elle-même pouvait avoir de valeur scientifique, nous n’avons point compétence pour le dire, ou plutôt, puisque les Lagrange et les Monge s’y sont trouvés mêlés, nous leur devons de croire qu’elle n’en était pas tout à fait dénuée. Romme cependant, si nous en croyons son biographe, aurait été le principal ouvrier de cette réforme au moins inutile. On ne consultera pas sans quelque intérêt de curiosité les divers Projets qu’il ébaucha successivement avant que triomphât celui que nous connaissons. Il y en avait un, tout à fait scientifique, où les jours se fussent appelés Primidi, Deuxdi, Tridi, Quatredi, et les mois : de la Balance, du Scorpion, du Sagittaire, du Capricorne; il y en avait un autre, plus pastoral, où les jours se fussent appelés : Primile, Bisile, Trisile, Qaatrile, et les mois : de l’Automne, des Semailles, des Moissons, des Fruits; en les combinant avec un troisième ou un quatrième projet, — car il n’y en a pas moins de sept, sans compter celui que l’on adopta, — on eût pu dater, à la manière orientale, du jour de la Charrue dans le mois des Fleurs, ou bien encore, militairement et révolutionnairement à ce coup, du jour du Canon dans le mois de la Bastille. Si la série des projets vaut la peine