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très propre. Aux alimens naturels que les poissons trouvent dans les viviers on ajoute des coquilles d’œufs et des herbes hachées. À ce régime ils se développent rapidement et arrivent à peser 3 à 4 livres au bout de l’année. La plupart de ces poissons sont consommés par les habitans de la ferme; les autres sont vendus et deviennent pour le propriétaire une source de revenu qu’on peut évaluer à 600 ou 700 francs par vivier. Ces pratiques si simples pourraient facilement être introduites en Europe et contribuer sensiblement au bien-être des classes agricoles, aujourd’hui si délaissées.

Ainsi que M. Dabry de Thiersant le fait remarquer avec raison, les premiers législateurs chinois furent des hommes remarquables, et quand on voit tout ce qu’ils ont fait pour leur pays, on conçoit qu’on les ait mis, pour ainsi dire, au rang des dieux et qu’on leur ait bâti des temples. Aucun des détails de la vie du peuple ne leur a échappé, aucune des sources de la production n’a été négligée, et l’exploitation des eaux n’a pas été à leurs yeux moins importante que celle du sol. C’est à eux qu’on doit les règlemens qui subsistent encore sur la police de la pêche et dont nous pourrions, dans une certaine mesure, faire notre profit. En Chine, le domaine des eaux, comprenant les lacs, les étangs et les cours d’eau, appartient à l’état, qui en afferme par cantonnemens le droit de pêche à des particuliers au moyen de licences dont la durée est indéterminée et qui, bien que transmissibles, restent le plus souvent dans les mêmes familles. Les détenteurs de ces licences, qui sont de véritables fermiers généraux, sont responsables vis-à-vis de l’état de l’observation des lois et tenus de verser chaque année dans les eaux de leur cantonnement une certaine quantité d’alevins. Ils ne pêchent pas eux-mêmes, mais cèdent leur droit à des associations de pêcheurs, soit pour un prix fixé à l’avance, soit au prorata du produit de la pêche. Ils ont donc intérêt à ce que leur cantonnement soit toujours abondamment pourvu et à ce que toutes les lois de police, notamment celle qui interdit la prise du poisson en temps de frai, soient strictement observées.

Quant aux procédés qu’ils emploient, les Chinois nous laissent bien loin derrière eux. Ils possèdent comme nous la pêche à la ligne, mais ils la varient à l’infini, non-seulement suivant les espèces qu’ils veulent prendre, mais aussi suivant les saisons et les heures du jour. Ils sont habiles à reconnaître, aux allures des poissons, le temps qu’il fera, et changent leurs engins en conséquence. Ils ont des filets de toute forme et de toute dimension ; ils les aiment mieux en coton qu’en chanvre, quoiqu’ils exigent plus de soin, parce qu’ils sont plus souples; et ne craignent pas les mailles