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et réunis en troupes, ils se rendent à la mer. Ils ont à ce moment de 0m,12 à 0m,5 de longueur, mais lorsque après deux mois de séjour dans les eaux salées, ils reparaissent sous le nom de grilses, ils pèsent déjà de 1 kil. 1/2 à 2 kilogrammes. Après la ponte, les grilses retournent à la mer et en reviennent quelques mois après à l’état de saumons adultes pesant de 3 à A kilogrammes. Leur poids augmente avec l’âge et l’on en trouve fréquemment de 10 à 15 kilogrammes. Cette prodigieuse croissance est due à la grande quantité de nourriture, que, sous forme de proies vivantes, le saumon trouve le long des côtes, dont il ne s’éloigne jamais à plus d’un mille. Il revient toujours dans les rivières qui l’ont vu naître, ainsi qu’on a pu le constater par des marques faites à des individus pris et relâchés. Le saumon ne s’accommode pas de températures élevées et ne se rencontre pas au sud du 40° degré de latitude. Les essais d’acclimatation qu’on en a faits dans la Méditerranée et dans la Mer-Noire ont été infructueux. Il en existe plusieurs variétés, mais elles ont toutes les mêmes mœurs et les mêmes qualités.

On peut encore mentionner parmi les poissons migrateurs la lamproie et l’esturgeon, qui sont aujourd’hui devenus assez rares dans nos rivières, mais qu’on trouve, surtout le dernier, en grande abondance dans celles de la Russie.

Il est un autre habitant de nos eaux que nous ne pouvons passer sous silence, bien qu’il n’appartienne pas à la classe des poissons, mais à celle des crustacés, c’est l’écrevisse. L’écrevisse aime à s’abriter derrière les pierres et les racines d’arbres et ne quitte sa demeure que le soir, pour chercher sa pâture, qui consiste en substances animales ou végétales. Elle croît lentement et ne devient de qualité marchande qu’après quatre ans. Si elle a été bien nourrie, elle atteint alors une longueur de 0m,15 à 0m,18. L’écrevisse fraie en automne, après accouplement, et pond des œufs qui restent adhérens à la queue et n’éclosent qu’au mois d’avril. Tous les ans, elle change de test et en sécrète elle-même la substance. C’est pendant cette opération, qu’on appelle la mue, que l’écrevisse est surtout exposée aux attaques de ses ennemis. En 1879, une grande mortalité s’est produite simultanément en France, en Suisse et en Allemagne sur les écrevisses et s’est continuée jusqu’aujourd’hui en dépeuplant presque tous les cours d’eau. On l’attribue généralement à l’invasion d’un entozoaire du genre distome qui vit aux dépens des muscles du crustacé, et le fait périr. Il semble cependant que le fléau soit devenu moins meurtrier et que, depuis quelques années, nos eaux commencent à se repeupler.

Telles sont les principales espèces indigènes dont nous tirons parti pour notre alimentation ; il en existe un grand nombre d’autres qui