Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 60.djvu/449

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

magnifique. La galerie circulaire elle-même, si triste d’habitude et si délaissée, devait être tendue cette fois d’une incomparable série de soixante-sept tapisseries exécutées presque toutes aux Gobelins, au XVIIe et au XVIIIe siècle, d’après Rubens, d’après Jules Romain, d’après Coypel, d’après Le Brun, d’après Raphaël, et partout, au milieu du parterre de fleurs, sur les entablemens de l’escalier intérieur, dans les salons de la peinture, éclateraient les vives couleurs, les blancheurs nacrées ou l’émail luisant des vases précieux enlevés pour quelques mois au musée de la Manufacture de Sèvres. Du haut de l’escalier intérieur, l’ensemble de cette tentative de décoration, que nous avons essayé de résumer, offre à l’œil un spectacle que n’avait encore présenté, dans aucun pays, à aucune époque, aucune exposition.

Telle a été l’organisation, la mise en scène de cette Exposition nationale qui devait résumer et qui résume, en effet, les tendances les plus élevées de l’art contemporain. Nous y retrouverons toutes les aspirations si variées et si diverses qui, de nos jours, font de l’école française une école à la fois si riche et si peu homogène. Le réalisme et l’idéalisme s’y rencontrent et s’y coudoient sans se donner la main ; mais ils sont heureusement représentés à l’Exposition nationale par des œuvres fortes, qui, si elles ne sont pas toujours de premier ordre, sont au moins toujours dignes d’intérêt. Nous attarderons-nous d’ailleurs, avant d’examiner eu quelques lignes l’œuvre des maîtres, à des protestations contre l’éclectisme, qui n’a jamais été plus en faveur qu’à notre époque? A quoi bon? L’éclectisme n’est-il pas le fruit inévitable de l’esprit critique, qui vraiment est l’esprit même du XIXe siècle, celui auquel il doit ses plus fortes œuvres et ses plus amères désillusions?

Dans un certain ordre d’idées, l’esprit critique a en partie ébranlé la foi; dans un autre ordre d’idées, il a en partie détruit l’originalité du goût. A force de tout étudier, nous avons fini par tout comprendre et par tout aimer. Nous avons lu des poèmes barbares et nous avons vu signés de noms parisiens des tableaux chinois ou japonais. Les femmes elles-mêmes nous ont donné l’exemple de ce papillonnage archéologique. Elles ont emprunté leurs costumes à tous les siècles et leurs parures à toutes les époques; elles s’habillent en même temps en marquises, en incroyables, en Japonaises; elles ont mis Pékin à contribution, aussi bien qu’Athènes. Une coiffure chinoise, relevée par des épingles d’or, apparaît souvent à côté d’une coiffure grecque, qu’un simple ruban retient sur le front. Tel bijou romain a été copié dans le musée du Vatican, tandis que tel autre, taillé en scarabée ou contourné comme l’urœus, rappelle la vénérable Égypte et les splendeurs de son premier empire.

Cette variété de la toilette se retrouve en toutes choses, et l’architecture, qui est cependant un art sévère, ne se fait pas faute de