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Aussi le ministre des beaux-arts s’était-il, dès la première réunion da jury, engagé à ne rien négliger pour donner à l’exposition d’état le cadre qui convenait. Ce cadre, c’était l’installation intérieure, le soin apporté dans tous les détails d’exécution de l’entreprise. En général, l’installation intérieure peut et doit avoir une importance secondaire. Qu’est-elle autre chose que la mise en scène? La pièce qui se joue, ce sont les œuvres présentées : le décor, les costumes, les meubles, les accessoires doivent rester au second plan.

Dans une exposition de ce genre, il n’y avait pas à craindre que la mise en scène fît tort à la pièce : des murs nus, des salles vides et froides à l’œil, pour les tableaux ; de grandes arcades de fer entourant d’une sorte de halle un jardin triste, pour la sculpture, ne constituent pas le milieu qui convenait à une fête en l’honneur des beaux-arts. Il fallait, puisque l’état se décidait à exposer, qu’il employât ses richesses à donner à son exposition les apparences d’un musée intime. Il fallait que le Salon d’état ne fût pas une enfilade de salles, mais qu’il fût composé d’une série de salons qui invitassent le spectateur à s’attarder devant les œuvres, qui ne les lui présentassent qu’en petit nombre avec quelque coquetterie, avec quelque élégance si c’était possible, en tout cas, avec beaucoup de clarté.

Avant tout, il convenait de diminuer les proportions inquiétantes de la nef, trop grande pour le petit nombre de sculptures qu’elle était destinée à abriter. On pensa fort heureusement aux tapisseries du garde-meuble, admirable décor qui mériterait un article spécial, et dont la réunion constitue, à elle seule, une exposition de choix. Les diverses séries qui figurent &u palais des Champs-Elysées n’ont-elles pas fourni aux artistes et aux visiteurs le saisissant exemple de ce que peut produire le goût le plus raffiné joint à l’exécution la plus habile et à la science décorative la plus sûre[1]? Ce fut M. Meissonier, l’illustre président du jury de peinture, qui eut l’idée d’employer ces tapisseries pour couvrir, dans une alternance heureuse, la moitié des chambres intérieures formées, au rez-de-chaussée, sous la galerie circulaire du premier étage, par les grands arceaux qui la supportent: l’autre moitié de ces niches, tendue d’une étoffe neutre, constituerait une suite de chapelles aux tons sombres, destinées à faire éclater les reliefs éblouissans et la blancheur des marbres. La balustrade de la galerie, couverte d’une riche tenture, achèverait de donner à la nef remplie de fleurs et de plantes le caractère d’un immense salon orné d’objets d’art d’un luxe à la fois discret et

  1. Au nombre de cent vingt et une, ces tapisseries ont été décrites dans un livret spécial, très soigné, que les amateurs feront bien de conserver à côté de l’excellent catalogue officiel de l’exposition.