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l’urne un bulletin blanc auraient plus volontiers voté pour le rachat des concessions, si cela avait été possible, et pour l’adoption du régime allemand ou belge. Le maintien du réseau de l’état suffisait pour attester la persistance des opinions et des sentimens contraires aux grandes compagnies. Ces dispositions étaient notoires. Il n’appartient à personne de les reprocher aux législateurs, qui obéissaient évidemment à leur conscience et croyaient servir les intérêts de la république ; mais il est permis de regretter qu’elles se soient manifestées d’une façon aussi ouverte, car elles ont contribué sans aucun doute à rendre les négociations plus difficiles et les conventions moins avantageuses pour le pays.

Ce fut une première faute de n’avoir point traité tout d’abord avec les compagnies pour le troisième réseau. Dès 1879, le procédé auquel on se voit obligé de recourir était conseillé au point de vue de l’économie. Nous payons cette faute initiale. Ce qui nous coûte encore, c’est que les compagnies, peu rassurées sur les doctrines et les dispositions des futures chambres républicaines, ont réclamé des conditions qui ne leur auraient point semblé nécessaires si elles avaient traité, comme autrefois, sous l’égide d’un système durable, également accepté par les deux parties. Devant la menace persistante d’un acte de dépossession, elles ont entendu se garer contre le rachat en multipliant les défenses autour de leur propriété : elles ont augmenté les risques de l’état, afin d’obtenir pour elles-mêmes un surcroît de garanties, et, par suite, elles ont dû se faire payer plus cher le service qu’elles rendent à la république, à ses budgets, à son crédit et à sa parole, imprudemment engagée.

Les conventions épargnent à l’état une tâche très lourde et le délivrent d’une partie au moins de ses embarras financiers, elles fortifient la constitution des compagnies, elles donneront au pays le troisième réseau. Ces profits, immédiats ou prochains, sont incontestables. Quant aux profits de l’avenir, ils demeurent incertains. Comment établir des calculs exacts de dépenses et de recettes quand il s’agit de tant de lignes nouvelles à construire et à exploiter dans des régions où le trafic sera plus ou moins lent à se développer? Si le troisième réseau est par trop onéreux, la prospérité des compagnies pourra être affectée en ce sens que les revenus distribués aux actionnaires seront immobilisés dans les chiffres du dividende effectivement garanti ; de son côté, l’état qui, sous le régime des anciennes conventions, était à la veille de voir s’ouvrir la période du partage des bénéfices, devra payer au contraire des sommes considérables sous forme d’annuités, et il sera condamné soit à ajourner les dégrèvemens, soit même à établir un nouvel impôt. Les financiers les