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Il est peu probable, nous l’admettons, que les représentans des compagnies se soient tenus en-deçà de ce qu’il leur paraissait nécessaire d’obtenir. Supposons donc, ce que personne ne saurait affirmer aujourd’hui, que le gouvernement ait trop accordé. L’erreur n’aurait point de conséquences regrettables. Si les compagnies agrandies et reconstituées prospèrent, l’état y trouvera son bénéfice, non-seulement au moyen de la clause du partage, mais encore et surtout par le crédit, par la puissance d’action et de progrès qu’il aura donnés aux grandes entreprises de transport, à l’instrument le plus énergique du travail national.

La question des tarifs devait nécessairement occuper une grande place dans le débat. En diverses occasions, la chambre avait exprimé le désir de voir modifier le régime des taxes, tel qu’il était établi par les cahiers des charges. L’amendement de M. Allain-Targé, voté en 1877, invitait le ministre des travaux publics à « prendre des règlemens en vue d’assurer à l’état l’exercice permanent de son autorité sur les tarifs et le trafic. » Depuis cette époque, la campagne était ouverte, les réformateurs dénonçaient comme insuffisant le droit d’homologation ; ils voulaient que l’état fût maître des tarifs, et ils comptaient que cette disposition serait inscrite dans les nouveaux traités. Il est probable que le ministre avait fait tous ses efforts pour réaliser un vœu auquel il s’était précédemment associé, mais il rencontra une résistance qu’il était facile de prévoir, les compagnies ne pouvant se dessaisir de leurs droits en matière de tarifs sans mettre en péril la prospérité, l’existence même de leurs concessions. Il fallut donc se borner à stipuler dans les conventions de 1883 que les compagnies réduiraient les tarifs des voyageurs lorsque, de son côté, l’état réduirait l’impôt sur la grande vitesse, et à constater l’engagement pris par leurs représentans de reviser les tarifs des marchandises, de les simplifier, de les diminuer même dans certains cas, en mettant à profit les études auxquelles s’étaient livrées plusieurs commissions administratives. — Cette solution, dont les avantages n’étaient cependant point à dédaigner, ne pouvait pas satisfaire les prétentions de ceux qui entendaient arracher aux compagnies l’arme des tarifs, ni l’impatience de ceux qui voulaient l’abaissement immédiat et radical des prix de transport. M. Allain-Targé, pour l’honneur de son vieil amendement, et M. Waddington, en mémoire d’un long rapport qu’il avait rédigé en 1880 sur les tarifs des chemins de fer, déployèrent dans l’attaque toute l’ardeur que l’on devait attendre de leur conviction et de leur déception.

Le premier de ces orateurs s’attacha principalement au point de doctrine, c’est-à-dire à la revendication du droit souverain de l’état.