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lien, les adversaires des conventions signalèrent les avantages, excessifs à leurs yeux, qui étaient faits aux actionnaires des compagnies, notamment par la garantie désormais accordée à leurs dividendes et par le chiffre élevé auquel le gouvernement avait fixé la limite où doit commencer le partage des bénéfices. Vainement le ministre et le rapporteur s’appliquèrent-ils à démontrer, à l’aide des textes, que le dividende était non pas garanti, mais simplement réservé, et que le trésor ne se trouvait nullement engagé à l’égard des actionnaires. Cette distinction, quelque peu subtile, ne pouvait point rallier les opposans, non plus que la perspective de voir la part de bénéfices portée de moitié aux deux tiers au profit de l’état. Il y eut là un rude combat de chiffres, et l’esprit le plus attentif aurait de la peine à se reconnaître dans cette mêlée. Mais quand on se rend compte des dispositions conciliantes et de l’habileté des parties engagées dans les négociations, il est facile de s’expliquer, par le but visé, le caractère des concessions respectives et d’apprécier avec équité ce que les compagnies pouvaient demander, ce que l’état devait accorder au sujet du troisième réseau

Protégées, sinon en droit, du moins en fait, comme nous l’avons montré plus haut, contre l’éventualité d’un prochain rachat de leurs concessions, il restait aux compagnies à se prémunir contre les pertes que l’addition de 10,000 kilomètres ferait subir infailliblement à l’ensemble de leur exploitation. Si la sécurité que leur procuraient les conventions valait de leur part un sacrifice de revenus, ce sacrifice ne pouvait pas être laissé à l’aventure et il convenait de le limiter. De là les dividendes réservés ou garantis, peu importe le terme, qui figurent dans les contrats. Ces chiffres sont-ils trop élevés ou trop faibles? Les calculs paraissent-ils avoir été plus avantageux pour les compagnies que pour l’état? C’est ce qu’il est difficile et même impossible de déterminer; les raisonnemens contradictoires qui ont été développés devant la chambre n’ont en vérité rien éclairci, car nul ne peut prévoir ce que donnera de revenu, ou plutôt de perte, l’exploitation des lignes nouvelles, et il ne faut pas oublier que, dans un délai de dix années environ, les compagnies en supporteront exclusivement la charge. L’avenir tient donc en réserve beaucoup à! aléa, et, dans leurs exigences prétendues, les représentans des compagnies n’ont obéi qu’à la plus vulgaire prudence. De son côté, l’état, débarrassé d’un gros souci financier, n’ayant plus à débourser, c’est-à-dire à emprunter de capital pour les chemins de fer, ne contribuant que pendant une courte période aux pertes de l’exploitation, l’état pouvait, en retour du service qui lui était rendu, se montrer facile, libéral même, dans la discussion de cette partie des conventions.