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ont répondu que les clauses insérées sur la demande des compagnies trouvaient en partie leur compensation dans l’avantage fait à l’état pour le pariage des bénéfices. Ce partage, qui ne s’exerçait que par moitié, donnera désormais les deux tiers au trésor, et M. Raynal s’appliquait à démontrer que la diminution de la part attribuée aux compagnies réduirait d’autant le prix du rachat. Il produisait même des calculs d’après lesquels le rachat devrait être moins coûteux sous le nouveau régime qu’il ne l’eût été avec l’application des anciens cahiers des charges. Calculs très hypothétiques, dont la sincérité ne saurait garantir l’exactitude. En réalité, les adversaires des conventions avaient parfaitement compris le but et la portée de la clause relative aux « travaux complémentaires. » Bien que cette clause parût accessoire et que le rapport de M. Bouvier l’eût à peine mentionnée, elle était principalement, au moins dans la pensée des compagnies, dirigée contre le rachat. La précaution, inutile peut-être, s’inspirait d’une prudence très justifiée. En présence d’adversaires qui ne désarmaient pas, et que les mouvemens de la politique pouvaient un jour ou l’autre ramener à la tête du gouvernement, les compagnies cherchaient naturellement à se procurer des moyens de défense pour l’avenir. Au moment où elles allaient entreprendre des travaux aussi considérables, elles réclamaient avec raison des garanties de durée, et, à défaut de la suspension formelle du droit de rachat, elles comptaient obtenir indirectement ces garanties par des moyens de procédure combinés de manière à rendre plus difficile pour l’état le remboursement du prix de leurs concessions. Évidemment le ministre aurait préféré n’avoir point à se prêter à ces conditions nouvelles ; mais, comme il le fit observera plusieurs reprises, il était bien obligé, traitant avec les compagnies et demandant beaucoup, de céder quelque chose ; cette condition de réciprocité s’impose à tous les contrats.

Les clauses purement financières des conventions ne furent pas moins vivement contestées. — Pourquoi, disait-on, laisser aux compagnies le soin d’emprunter, par émission d’obligations, le capital destiné à la construction du troisième réseau, capital dont le trésor garantit l’amortissement et l’intérêt ? Ne vaudrait-il pas mieux que l’état empruntât directement ? Le crédit de l’état n’est-il pas supérieur à celui des compagnies ? — Cette objection, qui n’avait rien d’inattendu, demeurait, en fait, sans aucune portée, les compagnies ayant accepté que le trésor empruntât lui-même, s’il le jugeait convenable, et leur fournît les fonds nécessaires pour l’établissement des nouvelles lignes. Le concours des compagnies était précisément invoqué pour ménager la dette publique, et la situation de garant était préférable pour le trésor à celle d’emprunteur direct. — En second