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sont appelées à prendre date dans l’histoire déjà si complexe de nos voies ferrées. Les débats qui ont eu lieu à la chambre des députés méritent d’ailleurs que l’attention s’y arrête. Ils ont fourni aux divers systèmes politiques et économiques, en matière de chemins de fer, l’occasion de se produire et de se combattre; ils ont eu l’ampleur que comportait la gravité du sujet et l’intérêt supérieur qui s’attache à l’étude d’un grand service public. Pourquoi ne pas ajouter que l’attaque comme la défense des conventions a été parfaitement servie par le talent des orateurs et que le souvenir de cette discussion très difficile, hérissée de chiffres et de détails, honore le parlement? Il nous suffira donc, après avoir rappelé les termes des conventions, de résumer les débats de la chambre, d’en reproduire aussi fidèlement que possible la physionomie et les incidens pour obtenir une idée exacte des opinions et des sentimens qui doivent, pendant une période plus ou moins longue, diriger l’action des pouvoirs publics à l’égard des chemins de fer.


I.

La discussion du budget extraordinaire de 1883 avait démontré que la situation financière ne permettait pas de continuer, au compte de l’état, et à coups d’emprunts, les chemins de fer tracés dans le plan de M. de Freycinet. D’un autre côté, il semblait impossible de ne point poursuivre l’œuvre commencée. Indépendamment des considérations électorales, qui devaient être d’un grand poids, l’intérêt politique commandait d’assurer l’exécution de ces vastes projets qui avaient été présentés et acclamés comme une sorte de manifestation républicaine. Aussi la chambre des députés, modifiant l’attitude qu’elle avait gardée jusqu’alors, se vit-elle amenée par la force des choses à reconnaître la nécessité de faire appel au concours des compagnies et de traiter avec elles pour le troisième réseau, dans des conditions analogues à celles qui avaient procuré au pays l’organisation du second réseau. Nous avons, dans une précédente étude[1], exposé cette situation, par suite de laquelle la question des chemins de fer était devenue, avant tout, une question de budget réclamant une décision immédiate.

Le ministère des travaux publics, chargé des négociations, ne devait pas être pris au dépourvu, car l’entente avec les compagnies était conforme à sa doctrine et à ses traditions; tous les ministres qui, depuis 1870, s’étaient succédé dans la direction de ce département,

  1. Voyez, dans la Revue du 15 février, les Chemins de fer et le Budget.