Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 60.djvu/396

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

première instance, qui se servent réciproquement de tribunaux d’appel; Paris en compte six, qui sont installés, au Palais de Justice (dans la première chambre actuelle de la Cour d’appel), au grand Châtelet, au couvent des Petits-Pères (place des Victoires), au couvent des Minimes (place Royale), dans les bâtimens de l’ancienne abbaye de Sainte-Geneviève et à l’abbaye, de Saint-Germain-des-Prés. La pompe n’a point été négligée, mais au costume des parlemens en a succédé un que le décret d’organisation décrit dans les plus petits détails. Les juges porteront l’habit noir et, auront la tête couverte d’un chapeau rond à la Henri IV, relevé par devant et surmonté d’un panache de plumes noires. Le commissaire du roi aura le même habit et le même chapeau, à la différence qu’il sera relevé en avant par un bouton et une ganse d’or. Les greffiers ne sont pas oubliés, mais sont traités avec plus de simplicité. Les huissiers ont eux-mêmes une tenue sévère et sont armés d’une canne noire à pomme d’ivoire. Quant aux avocats, ils n’auront point de costume : « Les hommes de loi ci-devant appelés avocats ne devant former ni ordre ni corporation, n’auront aucun costume particulier dans leurs fonctions. » Après avoir perdu leur titre, ils perlaient leur robe; ils perdaient en même temps leur organisation par cette incise glissée dans, une affaire d’habillement. Jusque-là, en effet, l’ancien barreau subsistait dans sa constitution ; les corporations étaient supprimées depuis plus d’une année, et nul n’avait imaginé de le comprendre dans cette suppression.

Pourquoi donc les avocats ne devaient-ils former ni ordre ni corporation? Cette idée était venue à Bergasse, qui l’avait exprimée dans son projet d’organisation judiciaire, et, chose à remarquer, elle était loin de répondre à un sentiment, d’hostilité contre les avocats. Voici ce qu’il avait dit : « Toute partie aura le droit de plaider sa cause elle-même, si elle le trouve convenable, et afin que le ministère des avocats soit aussi libre qu’il doit l’être, les avocats cesseront de former une corporation ou un ordre, et tout citoyen ayant fait les études et subi les examens nécessaires pour exercer cette profession ne sera plus tenu de répondre de sa conduite qu’à la loi. » Mais il n’était plus là pour expliquer toute sa pensée lorsque vint la discussion du projet; il s’était éloigné de l’assemblée après les journées des 5 et 6 octobre 1789. Il n’est pas douteux, toutefois, qu’il n’avait d’autre but que de rendre plus libre le ministère de l’avocat. Il lui semblait donc que, la preuve d’une certaine aptitude étant faite, tout était dit, et que l’avocat ne devait être, à tout prendre, qu’un homme instruit dans les lois.. Il supprimait d’un coup la condition que l’ancien barreau, le barreau romain lui-même, tenait pour la plus essentielle, l’honorabilité.