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et se consacrer au célibat les hommes et les femmes qui veulent donner à leur vie un caractère de sainteté. La déesse Kumari, l’épouse de Siva, s’est arrêtée en ce lieu et s’y est baignée.

De Comari, en se dirigeant vers le nord, la terre s’étend jusqu’à Colchos, où se trouve, nous l’avons déjà dit, une pêcherie de perles. Des condamnés sont chargés de ce travail ; la pêcherie appartient au roi Pandion. Après Colchos, la côte forme un golfe. Dans l’intérieur, se trouve un endroit nommé Argali, où sont percées et enfilées les perles qu’on recueille à l’île d’Héliodore. Que pourrait être cette île d’Héliodore, sinon l’île Manaar ou l’île Rameseram, qui, par le pont d’Adam, rattachent l’île de Ceylan au grand continent indien ? On exporte d’Argali des tuniques brodées de perles que l’on nomme des ébargaritides.

Les vaisseaux d’Alexandrie ne dépassaient probablement pas l’île Manaar ; mais le faible tirant d’eau des barques indigènes, des vaisseaux de Limyrice et de Barygaza, leur permettait de passer entre l’île de Ceylan, — ou plus exactement entre l’île Rameseram, — et la terre ferme, pour aller visiter la côte de Coromandel et la côte de Golconde. Parmi les marchés et les mouillages que fréquentaient les navires indiens, il faut citer : Camara, — aujourd’hui Karikal ; — Poduca, très probablement Pondichéry ; Sopatma, vraisemblablement Madras. Pour cette navigation, il avait fallu adopter un mode de construction tout spécial. Les sangaras se composaient de deux grandes pirogues liées ensemble et pouvaient contenir de cent à cent cinquante hommes ; les colandiophonta, destinés à pousser jusqu’à Chrysé et jusqu’à l’embouchure du Gange, avaient des dimensions beaucoup plus considérables. Marco Polo et Nicolo di Conti les ont retrouvés au moyen âge. Les doubles pirogues remontaient en suivant la côte occidentale de l’Inde, jusqu’à Limyrice.

Au-delà de Camara, de Poduca et de Sopatma, l’auteur du Périple n’a plus que des notions vagues : ces notions méritent cependant, telles qu’il nous les offre, d’être reproduites. « Dans les environs de la région suivante, dit-il, quand déjà la route se dirige vers l’est, on rencontre en pleine mer l’île Palsesimundu qui court de l’ouest à l’est ; les anciens, — c’est-à-dire Onésicrite, — appelaient cette île Taprobane. La partie septentrionale est à une journée de navigation du continent indien ; la partie méridionale se dirige peu à peu vers l’ouest et finit par se trouver en face de la côte de l’Azanie. L’île produit du poivre, des pierres précieuses, des indiennes, de l’écaille de tortue. » Bien que la description géographique laisse à désirer, vous avez sans doute reconnu Ceylan.

Dans ces mêmes parages s’étend, sur un long espace, la province de Masalia, — aujourd’hui Masulipatam, dans l’ancien royaume de