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princes, perpétuellement divisés, ne cessent de se renverser tour à tour du trône. » Ce simple renseignement, à défaut d’autres bases, eût suffi à une érudition dont la perspicacité souvent me confond pour fixer à peu près la date du Périple. « Les Scythes, Gètes ou Saces, fait observer Müller, furent, en l’année 56 avant Jésus-Christ, chassés de l’Inde par Vicramâditja. De l’année 30 à l’année 20 avant Jésus-Christ, Yenkaotshin fonda dans l’Inde le royaume scythique. Les Parthes succédèrent aux Scythes. » Les rois dont les noms se lisent sur les médailles: Vononès, Spalyrius, Spalirisus, Yndophérès, Gondopharès, Heronasphérès, Abagasès, sont probablement les princes auxquels fait allusion l’écrivain anonyme qui nous a légué un routier de la Mer-Érythrée bien autrement complet que celui d’Agatharchides.

Tout ceci ne nous apprend pas cependant où était située Minnagara, qui paraît bien avoir été le Pattala d’Alexandre. Ritter opinerait pour Tatta, Mannert pour Bukkur. J’inclinerais fort à me ranger de l’avis de Mannert; mais on sait que ce sont là des problèmes insolubles: il n’y faut pas trop insister; on pourrait compromettre à ce jeu le repos de sa vie. Les navires mouillent devant Barbarikè et les marchandises sont portées, en remontant le fleuve, dans la capitale, où on les remet au roi. Les objets d’importation sont surtout des vêtemens unis, quelques draps de couleur, des tapis à trames variées, des topazes, du corail, du styrax, de l’encens, des verreries, des vases d’argent, des pièces de monnaie, un peu de vin. En retour, les vaisseaux rapportent en Égypte du costus, du bdellium, du lucium, — que pouvaient bien être ces épices? — du nard, des pierreries, des saphirs, des pelleteries de Chine, des mousselines, de la soie, de l’indigo appelé vulgairement noir indien.

Voilà comment on arrive à commercer dans l’Inde en suivant le chemin des écoliers, mais il est, nous apprend notre auteur dans un paragraphe qui vaut à lui seul tout, le reste de son livre, « une route plus prompte et plus courte, bien qu’elle soit de beaucoup la plus périlleuse; c’est la route du large, qu’on peut prendre en profitant des vents étésiens, vers le mois de juillet, qui se nomme en Égypte le mois d’Épiphus. »

Pline l’Ancien est un érudit, il ne faut pas attendre de lui la précision d’un pilote. Il paraît distinguer cependant trois modes successifs de navigation dans les voyages de l’Inde. Pendant la première période, celle qui correspond au règne des Ptolémées, on suit rigoureusement l’itinéraire de Néarque; on ne s’écarte jamais de la côte jusqu’à la perdre de vue. Un peu plus tard, on part du promontoire Syagrus, sur la côte d’Arabie, pour gagner Pattala, en profitant du vent du couchant qui règne en été ; l’âge suivant indique une voie plus courte et plus sûre : on part toujours