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Aden. Nos vapeurs, qui consomment des montagnes de charbon, seraient exposés à manquer de souffle s’ils ne pouvaient faire escale à cet excellent mouillage.


V.

D’Eudæmon allons-nous hardiment déployer nos voiles et affronter enfin la haute mer? Le moment n’est pas encore venu de réaliser cette entreprise : ce sera la seconde période de la navigation des Alexandrins ; pendant la première période, celle dont, sur la foi de l’auteur du Périple, nous racontons l’histoire, les capitaines égyptiens restent fidèles aux habitudes de cabotage qui datent du siècle des Pharaons et que les Grecs n’ont pas eu le temps de modifier. Pour aller dans l’Inde, avant le règne de Claude, il faut faire, en totalité ou en partie, le tour du Golfe-Persique.

Lorsqu’on a dépassé Eudæmon, le rivage et le golfe, sur un espace de plus de 200 milles, n’ont d’autres habitans que des nomades et des ichtyophages. Puis se présente enfin, caché derrière un promontoire élevé, le premier comptoir maritime de cette côte, le comptoir de Cané, — aujourd’hui Makalleh. — Cané fait partie des états d’Élisar et appartient à la contrée qui produit l’encens. En face de Cané, séparées de ce port par un canal de 12 milles environ, s’élèvent deux îles désertes : l’une, — aujourd’hui Sikkah, — s’appelle l’île des Oiseaux; l’autre, — aujourd’hui Halani, — porte le nom d’île Trullas. La capitale du roi des Sabbathéens, Sabbatha, est située dans l’intérieur au-dessus de Cané. Tous les produits du pays se rassemblent dans cet entrepôt maritime, apportés les uns sur des chameaux, les autres sur des radeaux qu’on soutient, suivant la coutume indigène, par des outres, ou sur de petites barques. Cané entretient également, par ses propres navires, un commerce assez actif avec les comptoirs éloignés de Barygaza, de la Scythie indienne et d’Oman, ainsi qu’avec la Perside, contrée adjacente. On y importe d’Egypte, de même qu’à Muza, un peu de blé et de vin, des vêtemens arabes, les uns ordinaires et unis, les autres, en plus grande quantité, de diverses couleurs, du cuivre, de l’étain, du corail, du styrax et les nombreux objets que l’on porte aussi à Muza. Les présens destinés au roi se composent généralement de vases d’argent ciselés et d’argent monnayé. On y joint souvent des chevaux, des statues et des vêtemens unis de qualité supérieure. Les objets d’exportation consistent en produits indigènes, tels que l’encens et l’aloès, sans compter les marchandises qui sont communes à Cané et aux autres entrepôts. L’époque favorable pour se rendre à Cané est à peu près