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ici qu’un récit de seconde main. N’importe ! le document n’en a pas moins son prix, car il complète l’histoire des lents progrès d’une navigation qui allait se reposer pendant plus de mille ans.

Du mouillage de la fosse, si l’on fait route au sud-ouest, pendant deux jours et deux nuits, on apercevra s’étendant vers l’ouest l’île Menuthias, qui n’est séparée de la terme ferme que par un canal de 30 milles environ de large. Avons-nous rencontré ici l’île Pemba, l’île de Zanzibar ou même l’île Monfia, située encore plus au sud? Ce qui reste avéré, c’est que depuis longtemps nous avons franchi la ligne équinoxiale; nous sommes dans un autre hémisphère. Avec un peu d’audace, nous irions jusqu’au cap de Bonne-Espérance : il n’est pas bien certain, malgré un scepticisme auquel je ne m’associe pas sans réserve, que les vaisseaux de Néchao, au temps de la vingt-cinquième dynastie égyptienne, l’aient fait. L’île Menuthias est basse et couverte d’arbres. Plusieurs ruisseaux l’arrosent: on y remarque diverses espèces d’oiseaux et on y trouve des tortues de terre. Nulle bête féroce d’ailleurs, si ce n’est des crocodiles. Ces crocodiles, qui n’étaient, j’en demande pardon à l’auteur du Périple, très probablement que des iguanes, ne font de mal à personne. Les indigènes vont à la pêche du poisson et de la tortue dans des barques aux bordages cousus l’un à l’autre, ou dans des pirogues faites d’un seul tronc d’arbre; ils se servent également de nasses d’osier qu’ils dressent, en guise de filets, à la bouche des cavernes naturelles creusées par le flot qui les ronge dans les rochers voisins du rivage. De l’île Menuthias, deux jours de navigation pourront vous conduire au comptoir de Rhapta, dernier marché de la côte d’Âzanie. Ce nom de Pihapta vient évidemment des barques cousues, dont nous avons fait mention plus haut. A Rhapta, port dans lequel le docteur Vincent reconnaît avec une certaine vraisemblance l’établissement moderne de Quiloa, on trouve beaucoup d’ivoire et d’écaille. Vous ne laisserez pas d’être surpris de la haute taille des hommes qui s’arrogent dans ces parages le titre et l’autorité de chefs. Le tyran de la Mopharitide, district de la contrée qu’on a souvent désignée sous le nom d’Arabie première, exerce, en vertu d’anciens droits, une suprématie incontestée sur tout ce pays. Il l’a cédé, comme une sorte de fief, aux habitans de Muza, port de la côte d’Arabie. Les Muzaïtes envoient à Rhapta des navires de charge montés la plupart du temps par des pilotes et des équipages arabes. De vieilles relations existent entre les Arabes et les habitans de l’Azanie; aussi la plupart des pilotes de la côte arabique sont-ils familiers avec les ports que nous visitons en ce moment; ils connaissent même la langue des indigènes.

On sait que Vasco de Gama dépassa pendant la nuit Quiloa, où il