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de hautes terres. A l’est, se prolongent les montagnes plates de l’Arabie ; à l’ouest, se développe une chaîne plus élevée encore, la chaîne éthiopienne, qui atteint jusqu’à 1,220 et 1,830 mètres d’altitude. Le soleil et la sécheresse font de cette mer, comprise entre le trentième et le douzième degré de latitude, une véritable fournaise; sur aucun autre point du globe le marin ne rencontre une atmosphère aussi étouffante. Le vent du nord, presque constant dans le golfe de Suez, ne s’étend guère, avec cette persistance, au-delà d’une certaine zone. Du dix-septième au vingt-et-unième degré de latitude, les vents pendant l’hiver soufflent presque aussi souvent du sud que du nord; du vingt-et-unième au trentième degré, ils varient suivant la saison : d’octobre jusqu’en mai, il faut s’attendre à voir prédominer les vents de la partie du sud, forts et constans entre novembre et mars, violens même en janvier, pluvieux en décembre. Mars, avril et mai sont sujets à des calmes orageux et à des brises variables. L’été rend au nord-ouest un peu plus de vigueur: ce n’est cependant que durant les mois de juin et de juillet qu’on le voit empiéter sur la zone qui lui est, pendant la majeure partie de l’année, interdite. « Avec les vents du sud, nous apprend le capitaine Moresby, l’atmosphère est rougeâtre et chargée de vapeurs ; avec les vents du nord, le temps est sec et clair. » En somme, la navigation de la Mer-Rouge pour des vaisseaux à voiles est toujours laborieuse et lente; celle du golfe de Suez devait présenter aux navires qui revenaient de l’Inde de telles difficultés que l’on comprendra aisément l’empressement que les vaisseaux alexandrins mirent à y renoncer.


II.

Oublions un instant dans quel siècle nous vivons et, devenant en quelque sorte les contemporains d’Auguste ou de Claude, faisant abstraction de toute notre science moderne, entreprenons avec un de ces capitaines alexandrins que Strabon qualifie si durement de marins illettrés, entreprenons, dis-je, le lointain et laborieux voyage de l’Inde. Les savans commentaires dont le Périple de la Mer-Érythrée, œuvre d’un auteur anonyme, a été enrichi par l’érudition secourable de Charles Müller, nous rendront heureusement la tâche assez facile.

Le premier port, et en même temps le premier comptoir que nous rencontrerons sur notre route, si nous suivons la rive droite, ou, pour parler plus exactement, la rive occidentale de la Mer-Rouge, sera le port de Myos-Hormos, créé par Ptolémée Philadelphe, à qui le commerce fut également redevable d’une route allant de Myos-Hormos