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anonyme du Périple de la Mer-Érythrée, s’épargner cette partie laborieuse de la traversée et partir d’un port placé en dehors du golfe, de Myos-Hormos (le port des rats), dans lequel on pourrait, à la rigueur, reconnaître Cosseïr. « La Mer-Érythrée, en français la Mer-Rouge, — nous avait appris Agatharchides, — tire son nom de la teinte que prennent, sous les rayons d’un soleil ardent, les montagnes qui en bordent la rive occidentale, ou plutôt de la couleur qu’affectent généralement les collines de sable qui se succèdent du côté de l’Orient, presque à toucher la plage. » Cette longue mer étroite se bifurque en approchant des rivages de l’Égypte: elle forme alors deux golfes qui s’enfoncent au loin, séparés par la presqu’île de Sinaï, l’un vers le nord-est, l’autre vers le nord-ouest. Le premier de ces golfes est le golfe d’Akaba, jadis le Golfe-Élamitique, le second est le golfe de Suez, connu dans l’antiquité sous le nom de golfe d’Héroopolis. Strabon nous apprend comment on était parvenu à éviter la traversée du golfe de Suez, qui a 167 milles de longueur et une largeur variant de 10 à 23 milles. Un canal allait d’Alexandrie rejoindre à Schedia la branche canopique du Nil; de Schedia, nous raconte Pline l’Ancien à son tour, on remontait le Nil jusqu’à Coptos. Grâce aux vents étésiens, on franchissait cet espace de 445 kilomètres en douze jours. A Coptos, on trouvait des chameaux qui conduisaient les caravanes, au temps de l’auteur du Périple, jusqu’à Myos-Hormos, au temps de Pline bien plus près encore de l’entrée de la Mer-Rouge, à Bérénice. On se rendait alors de Coptos à Bérénice en douze jours; les étapes étaient marquées, comme elles le sont ordinairement dans le désert, par des puits. Il ne faut pas oublier que le commerce de l’Inde laissait de côté les produits encombrans et ne s’adressait qu’aux marchandises précieuses qui sont généralement des objets de peu de volume : le vaisseau du désert pouvait donc, sans grand inconvénient, se substituer, pendant une partie du voyage, au vaisseau de l’océan.

La Mer-Rouge a 1,230 milles environ de longueur. De longues bandes parallèles de bancs de corail la partagent en trois canaux distincts : le canal du milieu, large de 40 milles au moins, et les deux canaux latéraux, qui permettent de suivre à volonté la côte d’Arabie ou la côte d’Afrique. Cette grande vallée sous-marine dont la profondeur atteint sur quelques points près de 2,000 mètres, est très resserrée à son issue dans l’Océan indien. Sa largeur ne dépasse pas alors 15 milles, mais la nappe d’eau s’épanouit graduellement et présente sur presque toute son étendue un immense détroit qui, du rivage de l’Abyssinie au rivage arabique, mesure en moyenne de 150 à 190 milles, ne se rétrécissant un peu qu’aux approches de la presqu’île de Sinaï. Tout ce vaste bassin est bordé