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ont été pénibles pour tout le monde et de hâter le dénoûment d’une crise ministérielle qui, à vrai dire, n’était que suspendue depuis quelques semaines, qui avait réellement commencé au moment où des insurreciions militaires avaient éclaté à Badajoz et dans la vallée de l’Èbre.

Comment le ministère que M. Sagasta présidait et avait réussi à faire vivre depuis plus de deux ans est-il tombé ? Il est certain qu’il a toujours eu une existence assez laborieuse ; il a vécu par une série de transactions entre les libéraux représentés par le président du conseil et une fraction plus conservatrice particulièrement représentée par le ministre de la guerre, le général Martinez Campos. Le jour où la sédition avait reparu dans l’armée, le ministre de la guerre avait aussitôt témoigné l’intention de se retirer, et si la crise n’avait pas éclaté dès ce moment, c’est qu’on avait voulu laisser au roi le temps d’accomplir son voyage en Allemagne. Le retour du souverain devait dans tous les cas coïncider avec une reconstitution du cabinet. L’incident diplomatique qui est survenu dans l’intervalle, qui est né du passage du roi en France, n’a donc point été la première cause de la crise de Madrid. On ne peut pas dire cependant qu’il y ait été absolument étranger, puisque la retraite définitive du cabinet de M. Sagasta a été précipitée et brusquée par l’insistance du ministre des affaires étrangères, du marquis de la Vega y Armijo, à demander au gouvernement français un supplément de réparation que ses collègues croyaient désormais inutile. L’incident diplomatique a disparu, par le fait, avec le dernier ministère espagnol ; il n’est resté que la question intérieure, et elle ne laisse pas d’avoir un dénoûment un peu imprévu. Au premier abord, on avait cru que l’ancien président du conseil, M. Sagasta, serait chargé de refaire un cabinet, et que, pour cette reconstitution, il s’entendrait avec une fraction de libéraux plus avancés, avec un parti qui s’appelle maintenant « la gauche dynastique, » et qui a pour chef le maréchal Serrano. Il n’en a rien été ; soit qu’il ait pressenti des difficultés d’une nature personnelle, soit qu’il ait voulu laisser à d’autres le soin de tenter une expérience à laquelle il croyait peu, M. Sagasta s’est récusé, et le roi a chargé de la formation d’un cabinet M. Posada Herrera, qui était récemment encore président de la chambre des députés.

M. Posada Herrera est un des plus anciens parlementaires de l’Espagne. Il a appartenu autrefois au parti modéré, et il a été ministre de l’union libérale avec le général O’Donnell ; il est sans nui doute fort libéral ; il est certainement aussi conservateur d’instinct, d’éducation, de tradition. M. Posada Herrera n’a point recalé devant la besogne, il n’a pas hésité à nouer alliance avec la gauche dynastique. Il a formé le cabinet avec quelques-uns de ses amis personnels et avec les principaux, amis du maréchal Serrano, notamment le général Lopez Dominguez