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commission du budget et M. le ministre des finances ne sont pas toujours d’accord. Il y a sans doute, pour combler les déficits, un procédé commode qui consisterait à puiser dans le chapitre consacré à l’amortissement. De grands financiers ont trouvé sans effort ce secret ; mais ce ne serait là évidemment qu’un dangereux palliatif, un affaiblissement pour le crédit, à qui on enlèverait un gage. Le vrai remède serait de revenir à de meilleures règles financières, d’en finir avec le budget extraordinaire, qui est un moyen de satisfaire toutes les fantaisies, de diminuer les dépenses, de mettre un terme aux gaspillages, et, ce qu’il y aurait de mieux par-dessus tout, ce serait qu’il y eût une politique de raison, de prudence assurant la vigilance dans l’administration des ressources et des forces du pays.

C’est toujours le dernier mot parce que c’est l’inévitable vérité, et si on avait eu cette politique, on aurait probablement échappé à une partie des difficultés et des embarras de cette affaire du Tonkin, sur laquelle est engagé à cette heure même, au Palais-Bourbon, un débat qui peut être décisif. Ceux qui ne voient avant tout que les intérêts supérieurs et permanens du pays ne peuvent certes se faire, dans ces discussions compliquées de tant de passions de parti, les auxiliaires de ceux qui ne voient qu’un ministère à défendre ou à renverser. Il n’y a pas de quoi triompher des épreuves de la France, parce qu’un cabinet peut en souffrir. Il n’est pas moins évident que le gouvernement, par ses tergiversations, par ses incohérences de conduite, a singulierement contribué à laisser s’oggraver toutes ces affaires, qui se compliquent aujourd’hui plus que jamais d’une rupture imminente avec la Chine. M. le ministre des affaires étrangères paraissait croire hier encore que les polémiques violentes et injurieuses dont on a poursuivi le gouvernernent depuis quelques mois ont été un encouragement pour la diplomatie chinoise, qui a mis son espoir dans quelque incident parlementaire, dans quelque inierpellaiioo comme celle d’aujourd’hui. C’est possible ; on peut bien dire aussi que c’est la faute du gouvernement d’avoir laissé à la diplomatie chinoise le temps de jouer ce jeu. Aujourd’hui, quel que soit le dénoûment du débat parlementaire qui vient de s’engager, et il paraît devoir être favorable au ministère, il reste toujours, dans ces régions lointaines de l’Orient, une situation d’où l’on ne peut se tirer qu’avec quelque fermeté de résolution mêlée de beaucoup de prudence.

Les affaires de la France ne sont, pour le moment, ni simples ni faciles à débrouiller, nous en convenons. Les affaires de l’Europe se débrouilleront-elles plus aisément, et l’hiver qui arrive à grands pas portera-t-il une certaine clarté, un certain apaisement dans une situation qui a paru, il y a quelques semaines, assez troublée ou assez obscure pour causer des inquiétudes, une vague appréhension de l’avenir ?