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électoraux aux partis extrêmes, c’est la mollesse avec laquelle on combat leur propagande et les ménagemens qu’on a trop souvent pour leurs principes et leurs passions. La politique des bons enfans nous a fait beaucoup de mal. Pendant longtemps on a pu croire que plus un député avait des opinions violentes et déraisonnables, plus il avait de chances d’obtenir tout ce qu’il demandait pour ses commettans ou pour lui-même. Les radicaux fantaisistes ont fait une grande imprudence quand ils ont profité de l’arrivée du roi d’Espagne à Paris pour prouver qu’il ne tenait qu’à eux de compromettre nos relations extérieures. Ce jour-là, le gouvernement s’est réveillé, il a secoué son apathie. La France n’est pas disposée à courir des aventures. En vain le citoyen Armand Lévy affirme-t-il que le seul danger qui nous menace est la conspiration des orléanistes et des faux républicains, soutenus par l’étranger. En vain nous donne-t-il sa parole la plus sacrée que, quand on aura supprimé l’armée permanente et délivré des fusils à tous les citoyens, il se fera fort d’aller chercher dans toutes les capitales de l’Europe la tête des rois et des empereurs. Le citoyen Lévy le croit, mais M. le président du conseil ne le croit pas, et il a déclaré à Rouen que le radicalisme intransigeant met en péril la dignité et le repos de la France.

La fermeté de son langage a produit une heureuse impression dans plus d’un pays étranger comme chez nous. Ses déclarations ont été bien reçues des hommes d’état qui nous veulent encore du bien, qui jugent que la France est nécessaire à l’équilibre de l’Europe et désirent entretenir avec nous des relations suivies et cordiales. Notre isolement est plus apparent que réel, et, en tout cas, il ne dépend que de nous d’avoir des amis. Il faut pour cela que nous ayons un gouvernement bien assis, beaucoup plus opportuniste que radical, capable de se dégager des intérêts et des préjugés de parti pour veiller avec sollicitude sur la paix publique, un gouvernement qui vive et qui laisse vivre. Il importe aussi qu’il ait les yeux ouverts, qu’il n’attende pas les incidens, qu’il sache prévoir et prévenir. Notre laisser-aller nous a fait commettre des fautes qui auraient pu avoir de graves conséquences; elles nous ont été épargnées, ne nous rassurons pas trop. On prétend qu’il y a une Providence pour les imprévoyans, que, grâce à son indulgente bénignité, on tombe quelquefois dans un fossé sans s’y casser la jambe. Ne la mettons pas trop à contribution et tâchons d’éviter les fossés.


G. VALBERT.