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la réflexion, la volonté, le moi, n’ont rien à y voir ; mais il y a dans cet acte, selon nous, plus que des actions et réactions physiques ; il y a, de cellule en cellule, de centre nerveux en centre nerveux, des actions et réactions de plaisir et de douleur vagues. Il se produit une communication de sensibilité et non pas seulement de mouvement : les cellules vivantes ne peuvent être assimilées à des billes, à des cailloux, à des rouages de machines. Si l’animal est un « automate, » c’est du moins un automate formé de parties vivantes et sentantes, non de parties mortes et insensibles : il n’est inconscient que là où il est automate ; il est conscient comme vivant et sensible.

Nous n’accorderons donc pas à M. Maudsley que, dans la machine vivante, la conscience soit un « luxe, » qui n’est pas « indispensable au travail de la machine. » Penser est souvent du « luxe, » soit ; mais sentir est du nécessaire ; or on ne sent pas sans avoir conscience de sentir. M. Maudsley va jusqu’à dire : — « En l’absence de la conscience, l’intelligence même n’en continuerait pas moins à raisonner ; seulement il n’y aurait plus de sens intérieur apte à révéler ses opérations. » À plus forte raison pour l’instinct, selon M. Maudsley. Que la conscience voie ou ne voie pas fonctionner la machine à laquelle elle est attachée, c’est pour cette machine « une alternative aussi indifférente » que « d’être vue ou non par les yeux d’un spectateur étranger, que d’être éclairée ou non par une lumière extérieure. » — Ce rôle de contemplation passive, répondrons-nous, n’est admissible que pour la réflexion intellectuelle, forme supérieure de la conscience ; il ne l’est pas pour la sensibilité, qui est le fond même de toute conscience. L’automate vivant ne fonctionne pas de la même manière quand il se sent ou quand il ne se sent pas. Si on veut absolument comparer la conscience à la lumière éclairant une machine, il faut alors supposer une machine où la lumière même, en tombant sur une plaque daguerrienne sensible à ses rayons, produirait des effets chimiques, lesquels finiraient par se transformer en mouvement visible et par changer la direction de la machine. Ainsi, dans la boîte de Grove, un rayon de lumière produit successivement action chimique, chaleur, électricité, magnétisme, et fait mouvoir l’aiguille sur le cadran. Dans l’être vivant, la sensibilité devient elle-même un facteur qui s’ajoute aux facteurs purement physiques. Nous nous écartons donc à la fois, dans cette question, et des purs mécanistes comme M. Maudsley, et des cause-finaliers, comme M. de Hartmann : nous faisons une part dans l’instinct à un mécanisme sans conscience et à des états de sensibilité nécessairement consciens ; nous rejetons « l’état mental inconscient. »

Une théorie analogue explique les autres faits cités en faveur de la volonté inconsciente. M. de Hartmann invoque, par exemple, les