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soit des rondelles de ciment, soit des bambous et en les recouvrant d’une nouvelle couche d’enduit qui, sous les rayons d’un soleil ardent, acquérait rapidement une grande dureté. On arrivait ainsi à une ornementation variée de méandres, de grecques, de losanges, de sphères aplaties, d’arabesques d’un excellent effet. Une couche de peinture, qu’on ne peut mieux comparer comme ton qu’à celle des maisons de Pompéi, terminait la décoration, qui était surtout réservée aux murs extérieurs. A l’intérieur, les salles généralement spacieuses, souvent soutenues par des colonnes, étaient nues et privées d’ornementation architecturale.

La monotonie peut-être excessive de cette architecture était relevée par des tours carrées à plusieurs étages. Nous les voyons à Copan, à Palenque, à Tikal ; la casa de la Culebra, à Uxmal, était couronnée par treize petites tourelles. Les architectes avaient également le soin de placer sur les façades des statues, des pilastres, des cariatides, des bas-reliefs. A Chichen-Itza, généralement regardée comme la plus récente des villes yucatèques, on peut aussi reconnaître d’importantes peintures murales. Ce sont de longues processions d’hommes et d’animaux, des combats, les luttes de l’homme contre le tigre ou le serpent, des arbres, des maisons. Une peinture sur les murs du cirque, malheureusement fort endommagée, représente un bateau assez semblable aux jonques chinoises. C’est le seul exemple connu des procédés de navigation de ces anciens peuples.

Les sculptures qui ornaient les édifices offrent de telles différences comme style et comme exécution, que l’on a peine à croire qu’elles soient dues à la même race, qu’elles répondent à la même civilisation. Tantôt ce sont des idoles étranges, aux formes incorrectes, des hommes portant des têtes de tigre, un alligator tenant dans sa gueule une figure avec une tête humaine et les extrémités d’un animal; un crapaud gigantesque dont les pattes sont terminées par des ongles de fétide. Tout à côté de ces monstres, on recueillait à Copan une statue qui paraît la plus haute expression de l’art maya, et nous ne savons ce qui doit le plus étonner, la bizarrerie de la conception, la richesse de l’ornementation ou la finesse de l’exécution. A Palenque, nous voyons une statue à l’expression calme et souriante qui ne serait pas déplacée dans le palais d’un pharaon, tandis que la pierre tombale de Chaac-Mol, récemment retrouvée à Chichen, les bas-reliefs de Santa-Lucia, d’autres encore se rapprochent de l’art moderne de nos régions. Ces contrastes saisissans, s’ils n’apportent aucun éclaircissement, ajoutent un nouvel attrait à l’archéologie américaine par les problèmes sans fin qu’ils soulèvent.

Nous avons peu parlé des monumens aztèques. Les uns, comme la pyramide de Xochicalco, ont disparu grâce à la cupidité de leurs