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sur le Rodadero à Cuzco auraient pu s’élever dans la campagne de Rome. Les figures qui ornaient le temple de Xochicalco (Mexique) étaient représentées assises les jambes croisées, dans l’attitude traditionnelle de Bouddha, et dernièrement un missionnaire protestant s’émerveillait des rapports entre les édifices de Chichen-Itza et les topes ou les dagobas qu’il avait vus à Anaradjapoura, l’ancienne capitale de l’île de Ceylan. Ces ressemblances, quelque curieuses qu’elles puissent paraître, sont après tout assez vagues et peut-être accidentelles ; elles ne permettent qu’une seule conclusion. Nous ne voyons surgir les constructions grandioses, telles que celles de l’Inde ou de la Chine, de l’Egypte ou de l’Assyrie, que dans des conditions identiques : il faut des peuples vivant sous un régime despotique, une race conquérante, imposant par la force à un peuple soumis les travaux nécessaires. Les vainqueurs apportent leur génie particulier, leurs traditions; les vaincus donnent les élémens matériels, leurs labeurs et leurs sueurs. Les études récentes permettent d’affirmer que les choses se sont ainsi passées en Amérique, et que ces monumens dont les ruines attestent l’importance n’ont pas eu une autre origine.

La construction de ces édifices, dans toute l’Amérique centrale et au Pérou, offre de grandes analogies. Bien que très certainement tous ne datent pas de la même époque et qu’ils soient dus à des peuples différens, ils présentent, si je puis me servir de ce mot, un air de famille que l’on ne saurait méconnaître. Les pyramides sont certainement le fait le plus saillant de cette ancienne architecture. C’est sur des pyramides que s’élèvent les teocallis ou les palais à Palenque et à Copan, comme à Chimu et à Tiaguanuco, dans le Yucatan et l’Anahuac, comme au Pérou et au Chili. Nous constatons sans doute des différences locales, dont il faut peut-être chercher la cause dans la différence des matériaux à la disposition des constructeurs; mais toujours le type primitif persiste et se relie au souvenir lointain des mounds, qui des rives de l’Ohio et du Mississipi, ont pénétré dans la Floride, puis dans les régions du Sud, où le Pérou marque leur dernière limite.

Les murs encore debout sont tantôt d’immenses blocs de pierre ou de granit porphyritique qui rappellent les constructions cyclopéennes, tantôt des blocages de pierres ou de briques recouverts d’une couche épaisse de ciment. Tous les voyageurs remarquent la solidité et à la fois l’élégance de ces édifices; les paremens étaient dressés avec régularité, les joints bien coupés, les arêtes d’une grande pureté. Presque toujours ils étaient ornés d’une corniche saillante et d’une large frise surchargée d’ornemens en stuc d’une grande richesse ; on les obtenait en appliquant sur l’enduit humide