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160 pieds; sa queue déroulée peut avoir le double. Les replis du serpent de Brush-Creek (Ohio) mesurent 700 pieds ; une araignée, dans le Minnesota, couvre un acre de terrain; un mastodonte, à peu de distance de la jonction du Wisconsin et du Mississipi, n’est pas moins colossal. Pour tous, la terre, l’argile ou le sable ont été les seuls matériaux employés.

Les poteries trouvées principalement dans les sépultures des Mound-Builders, rendent encore un témoignage frappant des dispositions artistiques de leurs constructeurs. Nous avons des vases, des aiguières, des coupes, des terrines, des plats aux formes les plus variées. L’ornementation est gracieuse, la régularité parfaite, les peintures d’un coloris éclatant et disposées avec goût. Les anses représentent des animaux, des reptiles, des oiseaux, souvent aussi des masques humains; mais ces derniers sont presque toujours de grossières caricatures. Une petite statuette féminine, nous n’osons dire de femme, en terre cuite, montre des seins pendans, des extrémités simiennes, un visage grotesque. La reproduction constante de cette figurine a fait croire qu’elle était une déesse malfaisante et que la crainte qu’elle inspirait s’était trahie par les traits sous lesquels on la représente. Les dieux de la Chine sont d’informes magots; les idoles de l’Inde ne sont pas moins hideuses que celles de l’Amérique. La beauté, il faut le répéter, est toute conventionnelle, souvent modifiée par le goût naturel, les conditions hiératiques ou climatologiques, les difficultés techniques. « L’hérédité, a dit dans cette Revue même un de nos plus éminens écrivains[1], assigne aux races leurs caractères, aux castes leurs mœurs, aux générations leurs phases historiques et leurs tendances séculaires. »

A côté des Mound-Builders vivait une race entièrement différente, à en juger du moins par ses constructions. Les Cliff-Dwellers[2], seul nom que nous puissions leur donner, occupaient le Nouveau-Mexique. Leurs demeures, qu’on ne saurait mieux comparer qu’à des nids d’hirondelles, s’élevaient sur des rochers presque inaccessibles. Chaque plate-forme, chaque anfractuosité, chaque espace, quelque limité qu’il pût être, étaient devenus l’emplacement d’une habitation construite soit en pierres cimentées avec de l’argile, soit en adobes ou briques séchées au soleil. Là où la place l’avait permis, plusieurs habitations groupées les unes à côté des autres formaient de véritables villages, des Cave-Towns. Les chambres étaient étroites et basses, les fenêtres d’une incroyable petitesse ; il n’existait pas

  1. Voyez, dans la Revue du 15 avril, l’étude de M. Caro sur l’Hérédité intellectuelle et morale.
  2. Littéralement : les habitans des rochers.