Ils y ont tous passé, et M. Jules Simon, et M. Laboulaye, et M. Ribot, et M. Bardoux. M. Thiers serait maintenant plus que jamais le plus dangereux des monarchistes, et M. Dufaure serait un clérical. C’est bien entendu : il suffit, au dire des polémistes radicaux, de vouloir que la république reste un gouvernement régulier et modéré pour n’être plus républicain, — ce qui tendrait à établir que, dès qu’on a quelque bon sens, des lumières et même du talent, on est nécessairement orléaniste et réactionnaire. Tout ce que risque, en fin de compte, M. le président du conseil, en acceptant jusqu’au bout les conséquences de l’attitude de résistance qu’il a prise dans les derniers incidens, c’est de se trouver encore après tout en assez bonne compagnie.
Ce qui est certain, dans tous les cas, c’est que le moment est venu de faire un choix, de se décider. Qu’on y réfléchisse bien : les incidens qui se sont passés à l’arrivée du roi d’Espagne ont dévoilé une situation extrême et cruelle qui ne pourrait qu’être aggravée soit par la continuation de la politique suivie jusqu’ici, soit par une victoire plus complète du radicalisme. Qu’arriverait-il en effet si cette situation devait se prolonger? Ces manifestations d’anarchie qui se succèdent, ces doctrines révolutionnaires qui sont publiquement proclamées à tout propos et que le gouvernement n’a pas toujours la force de prévenir ou de réprimer ne font qu’accroître l’isolement de notre pays en détachant de la France les sympathies des peuples eux-mêmes aussi bien que des cabinets, en éloignant trop souvent les étrangers de Paris. L’isolement diplomatique, qui est trop évident, est sans doute par lui-même un malheur pour la dignité, pour l’action légitime de notre nation dans le monde; mais il a d’autres conséquences encore. Il a ses contre-coups inévitables dans nos industries, dans notre commerce, dans le développement de nos intérêts économiques, dans le travail national. On le sent déjà, dit-on, à Paris, et on le sentira vraisemblablement bien plus encore : de sorte que tout se tient ici. Si l’on veut raviver les sources du travail et de l’activité nationale, toujours si féconde quand elle se sent libre, il faut tout faire pour rendre à un pays comme la France la position aisée et respectée qui lui est due dans le monde ; si l’on veut en finir par degrés avec un isolement diplomatique tel que nous ne l’avons jamais connu, il faut qu’il y ait un gouvernement, et on ne peut avoir un gouvernement qu’en revenant sans faiblesse et sans équivoque à une politique de modération et de réparation qui seule peut relever une situation si malheureusement compromise. Voilà toute la question. C’est là ce qu’ont à méditer les représentans du pays qui vont revenir au Palais-Bourbon comme au Luxembourg, et cela, en vérité, a plus d’importance que de s’occuper de M. le général Thibaudin ou même de la révision de la constitution.
Ce ne sont point d’ailleurs les questions sérieuses qui manqueront au début de cette session extraordinaire, qui va s’ouvrir d’ici à sept