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Candolle, et que sa floraison hivernale a fait le symbole de l’amour, si souvent cité dans les romans chinois, et aussi de la fidélité. L’un de ces romans, où deux botanistes à la recherche des simples rencontrent des déesses dans une grotte bientôt comparable à celle de Didon, s’appelle la Grotte des pêchers. Le plus célèbre des romans historiques de la Chine, en racontant la révolte des Bonnets jaunes, montre les trois amis qui s’unissent pour venger les maux de la patrie, échangeant leurs sermons non sur le sommet d’un Grütli quelconque, mais « dans le jardin des pêchers. » D’après une légende qui fait foi au Céleste-Empire, les fruits du pêcher fan-t’ao procurent l’immortalité aux heureux qui en mangent. Ces fruits sont allongés en pointe comme ceux qui sont peints sur les fresques d’Herculanum. L’abricot a moins de valeur, le type cultivé du moins, sauf la variété qu’on conserve à Tian-Chan, près de Pékin, pour la table de l’empereur ; mais l’Abricotier sauvage a dans l’économie domestique un rôle qui nous surprend. On lit, à cet égard, dans l’Histoire de la province de Chen-si, des détails curieux. Un médecin charitable et très habile, qui vivait vers le milieu du XIVe siècle, ne recevait point d’honoraires pour ses ordonnances et ses remèdes. Attendri par la misère des paysans de son village et désireux de les soulager, il exigeait seulement de ses malades qu’ils plantassent chacun un Abricotier sauvage sur une colline nue et stérile qui appartenait à la commune. Au bout de quinze ans, la colline s’était insensiblement recouverte d’abricotiers. Le bon médecin assembla les gens du village et leur dit : « Les abricotiers qu’on a plantés à ma prière sur la colline de l’est la couvrent maintenant de leur ombre : que la commune se charge d’entretenir cette plantation. L’huile qu’elle en retirera suffira non-seulement pour payer un médecin et les remèdes aussi, mais encore pour soutenir les orphelins et les vieillards. » Et il fut fait comme le médecin le demandait : touchant emploi des noyaux d’abricot et de leur huile, dont l’usage est vulgaire en Chine.

On trouve encore dans les vergers chinois un grand nombre de fruits, ceux du Bibassier, plusieurs primes, une bonne poire blanche et ronde comme notre bergamote, les baies du Myrica rubra, qui remplacent assez bien notre fraise et qu’on pourrait confondre avec des arbouses ; mais, pour l’usage populaire, rien n’égale les kakis et les oranges. Les kakis (ce fruit nous vient surtout du Japon) sont nommés cheu-dze en Chine ; ils sont produits par des Diospyros, comme ceux du Diospyros Lotus, qu’on suppose avoir été l’arbre des lotophages. Le cheu-dze est, à proprement parler, la figue des Chinois ; à l’état frais, il a la couleur d’une orange ; mais quand il est sec, il prend la forme d’un disque. On en réunit ainsi un grand nombre, qu’on enfile en chapelet : conserve très