Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 59.djvu/929

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

D’après Ssu-ma ts’ien, l’Hérodote chinois, les cinq céréales que sema l’empereur Chen-nung étaient le riz, le blé, les deux millets et le soja. M. Bretschneider a été informé par le mandarin préposé au temple de l’Agriculture, dans la partie sud de Pékin, que dans la cérémonie des semailles on emploie aujourd’hui le riz, le blé, la sétaire ou millet barbu, le sorgho et le soja. Mais il importe de remarquer que, dans les livres chinois, on ne lit pas précisément les cinq grains, mais les wu-ku. Le caractère ku a une valeur générique. On pourrait traduire les « cinq genres de grains, » et c’est le cas de rappeler que le genre embrasse des espèces. Il y a trois espèces de riz, le riz humide, le riz sec (qui dans la culture se contente d’une humidité moindre,) et le riz glutineux, qui contient de la dextrine. Le genre du blé, maï en chinois, contient notre froment, notre orge et le sarrasin, le blé noir de nos paysans. Les deux groupes de millet, celui du millet barbu et celui du millet des oiseaux, contiennent aussi chacun plusieurs espèces, entre autres, dans le second, une espèce, le mei-dz, de Pékin, dont le grain bouilli dans l’eau est la nourriture du pauvre. Enfin, dans le groupe du soja, outre cette légumineuse dont M. Pailleux poursuit libéralement l’acclimatation, il faudrait comprendre aussi d’autres plantes de la même famille, notamment un haricot (Phascolus radiatus), dont on réduit les grains en farine ; cette farine, mêlée à du plâtre, constitue le fromage chinois, si favorable à l’élève des oiseaux-pêcheurs.

Bien entendu, il y a des plantes qui ne rentrent dans aucune de ces catégories, comme l’Amarante, dont les graines sont alimentaires, et comme la Canne à sucre introduite depuis longtemps. Il y en a bien d’autres dans la culture potagère. De tout temps, les Chinois ont déployé l’activité la plus ingénieuse pour s’assurer leur nourriture aux dépens du règne végétal, soit des plantes qu’on ne cultive pas (comme les algues, auxquelles ils demandent de la gélatine ou un condiment salé, comme notre Fougère-aigle, dont le jeune rhizome leur fournit de la fécule), soit surtout de celles qu’ils peuvent perfectionner dans leurs jardins. On trouve dans ces cultures domestiques non-seulement la plupart de nos racines comestibles (carottes, navets, radis, raiforts, oignons, ciboules) et de nos salades, mais quelques légumes spéciaux, comme la Baselle, qui joue le rôle de nos épinards, le Chou chinois, dont les graines fournissent de l’huile, le Colza, dont les jeunes pousses sont servies en marinade comme celles de la moutarde ; des fruits analogues à nos melons et à nos concombres ; des aubergines énormes ; des tubercules comme ceux d’un Stachys, de la patate, laquelle se vend bouillie en plein vent, comme nos pommes de terre. On ne multiplie guère celles-ci que pour l’usage des Européens. Si le jardin contient un cours d’eau, ce qui est fréquent, on y cultivera selon le