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printemps. Certaines appellations sont empruntées à un usage, à une pratique religieuse, à une allégorie quelconque. La noix de bétel se nomme pin-lang (ce qu’on peut traduire approximativement par « Monsieur l’invité ») parce que le premier acte de la civilité chinoise est de l’offrir à l’invité qui entre, en prononçant les mots : pin-lang. Il y a quelques-uns de ces mots qui indiquent l’origine ; ils sont fort importans pour le botaniste géographe. Le Grenadier est « le goitre du pays d’An, » allusion à la forme de ce fruit, originaire du pays d’An (au sud duquel est l’Annam, en chinois An-nan). La pastèque est si-kiia, la courge d’Occident. Quelquefois le terme chinois consiste même dans la traduction ou la transcription du nom que porte la plante dans un autre idiome, notamment en sanscrit, ce qui s’explique par la propagation des doctrines religieuses. Ainsi le Ficus religiosa, dans l’Inde bôdhidruma, est en chinois tao-chu, c’est-à-dire, dans les deux langues, « l’arbre de la sagesse. » Ainsi encore le sala, l’arbre sacré sous lequel Bouddha avait quitté sa vie mortelle, devient en chinois solo. Mais ici l’infidélité de la transcription cache une transformation beaucoup plus considérable. Comme le vrai sala, le Shorea robusta du Coromandel ne peut croître en Chine, c’est le Marronnier chinois que les bonzes plantent autour des pagodes sous le nom de solo. Aussi l’appellent-ils encore : « le châtaignier du divin précepteur. »

Ce sont là des exemples fournis par la langue parlée d’appellations composées. Ce sont des phrases comme en écrivaient les botanistes descripteurs au temps de la renaissance. Mais beaucoup de plantes sont aussi désignées en Chine par des monosyllabes, et pour comprendre le sens qui se cache derrière les hiéroglyphes correspondans, il faut une habileté dont nos lecteurs se refuseraient à ce qu’on leur expliquât les secrets. Ils peuvent cependant entendre qu’un grand nombre de ces signes sont composés et, bien qu’ils s’énoncent par une seule articulation, ont en eux le sens d’une phrase. On n’est pas étonné de voir l’Armoise, aux feuilles digitées, exprimée par le signe de l’herbe et celui de la main ; le Taro, dont les feuilles sont clypéiformes, par le signe de l’herbe combiné à celui du bouclier ; le Jujubier, par celui de l’épine redoublé. Le thé a deux noms principaux : un nom vulgaire, tcha, un nom littéraire, ming. Le premier, originairement, comprenait le signe de l’herbe au-dessus de celui de l’or (herbe qui vaut de l’or) ; le second, le signe de l’herbe au-dessus de celui du développement (herbe dont les feuilles se développent dans l’eau bouillante). Le caractère du saule est plus difficile à comprendre. C’est un arbre au milieu des deux battans d’une porte, précédé du monogramme du soleil. Cet arbre, connu par sa vigueur, était l’emblème de l’immortalité