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Tel serait, dans l’ordre moral, le cas d’un homme habitué à un grand travail et qui, voyant supprimer la moitié de sa tâche, se croiserait les bras et ne voudrait plus rien faire. Quels que soient ses motifs, ceux du courant sont autres.

La vitesse de la génératrice étant donnée, si le courant produit est partagé en dix branches distinctes, il en résultera pour lui un accroissement immédiat. Chacun des dix courans, bien entendu, sera moins fort que le courant primitif, mais leur somme, c’est-à-dire le courant sur lequel ils s’embranchent, sera singulièrement augmentée. Cela résulte, pour le dire en deux mots, de ce que les dix fils équivalent à un fil dix fois plus gros, de résistance dix fois moindre; on ouvre à l’électricité des canaux plus larges, il s’en précipitera davantage. C’est affaire à la machine motrice de fournir le travail nécessaire qui, par là, lui sera imposé. Tout se paie très exactement. On s’étonnera moins, maintenant, qu’en supprimant quelques-unes des machines, l’effet produit puisse être une diminution d’intensité dans les fils qui desservent les machines restantes. Mais une autre cause intervient. L’aimantation des pièces de fer et la force électromotrice de la machine diminuent, pour une même vitesse, avec l’intensité du courant, et toute cause qui vient à l’affaiblir tarit, par conséquent, en partie, la force qui l’alimente. Contrairement à toute prévision, la machine, au moment où l’on diminue son travail, a besoin d’un excitateur, non d’un frein. M. Deprez charge de ce soin un courant qui excite les aimans et qui, dans les premiers essais indépendant du courant principal, est maintenant, par un artifice ingénieux, emprunté à la machine elle-même : un mécanisme justifié par de savans calculs dirige tout sans l’intervention d’une main étrangère.

En série, le cas est tout autre ; un même courant traverse plusieurs machines; si on en supprime quelques-unes, l’intensité s’accroît et, par cela même, la génératrice, excitée davantage, augmenta, pour une même vitesse, la force électromotrice; les machines conservées, au lieu de manquer de force, comme dans le cas précédent, vont la recevoir avec excès. Le mal est contraire, le remède sera le même; c’est un fil excitateur que M. Deprez fait agir et dont l’effet est d’autant moindre que le courant devient plus fort. Ce courant, emprunté à la machine, n’exige aucune manœuvre.

« Cette solution, a dit M. Alfred Potier, rapporteur de la commission des moteurs à l’exposition de 1881, est jusqu’ici la seule qu’on ait obtenue sans le secours d’agens mécaniques, dont l’action n’est jamais assez instantanée pour supprimer les variations du courant qui, dans un temps très court, peuvent causer des dommages sérieux. »