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les conducteurs : chacun sera prévenu. Est-il plus rassurant de vivre auprès d’un engrenage? Les masses, dans une machine trois fois plus grande, seront multipliées par 27 et la force centrifuge, aussi bien que la puissance de la machine, aura pour multiplicateur 81. Chaque pièce de la machine tournant avec une vitesse de dix tours par seconde, dans un cercle de 0m, 50 de rayon, fera naître une force centrifuge égale à près de deux cents fois son poids. Pas de surprise! tout est calculé; il faudra construire avec soin, cintrer avec précision, isoler avec sollicitude et tout vérifier sans relâche jusqu’au grand jour de l’épreuve.

Lorsque, réalisant ces projets, étudiés dès à présent dans toute leur suite, et qu’une théorie très assurée permettra de varier dans des limites très étendues, car le nombre des solutions est infini, lorsqu’on pourra amener dans une grande ville (à Grenoble par exemple, elle a acquis le droit de marcher la première) quelques milliers de chevaux électriques, il faudra partager et régler leur action. La question est épineuse : il faut conduire chez chacun la force qu’il désire et la mesurer pour qu’il la paie, sans troubler pour cela son travail ; faire en sorte, en même temps, que l’irrégularité de sa marche ne puisse gêner en rien la jouissance, libre aussi, du voisin.

M. Marcel Deprez a mérité, à l’exposition de 1881, la récompense exceptionnelle du grand diplôme d’honneur pour l’ingénieuse solution de ces problèmes.

L’étude des détails est fort intéressante ; ils s’expliquent tous, mais beaucoup sont imprévus.

Pour faire marcher, à l’aide d’une seule machine génératrice, plusieurs réceptrices à la fois, on peut choisir entre deux systèmes. Les machines peuvent être placées en dérivation ou en série. En dérivation, elles sont conduites par des courans distincts nés du partage en autant de branches, d’intensité inégale si l’on veut, du courant produit par la génératrice. Dans la distribution en série, c’est un seul et même courant qui passe d’une machine à l’autre, laissant, pendant son action sur chacune, une partie de sa tension, non de son intensité, toujours constante dans le courant unique. Plaçons-nous dans le premier cas. Une même génératrice conduit, je suppose, dix réceptrices, dont chacune produit un travail ; tout marche régulièrement : on supprime tout à coup cinq des réceptrices, leurs courans sont interrompus. Qu’arrivera-t-il? Ces données ne sont pas suffisantes pour le dire, mais le résultat sera certainement imprévu. La force sans emploi, loin de se distribuer entre les courans qui restent, pour les rendre plus intenses, les affaiblira en disparaissant ; il pourra même arriver qu’elle les réduise à rien et que tout s’arrête.