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doute du choix. Le plus grand sera le meilleur. Il n’en est rien. Quelques détails le feront comprendre. Le courant, nous l’avons dit, s’affaiblit en travaillant, et cela est conforme à toute prévision raisonnable; mais, dans la transmission de la force, un autre phénomène se produit, très étrange et paradoxal, à n’employer que le jugement commun.

Pendant qu’elle travaille, la machine réceptrice diminue l’effort nécessaire pour faire tourner la génératrice, dont la vitesse reste cependant constante. Toutes les règles par là semblent renversées. Tout travail utile est résistant; plus une machine en produit, plus elle consomme de force. Les machines électriques font exception.

Expliquons cette anomalie. Le courant engendré par une machine agit sur l’aimant qui lui donne naissance, et la force, par une loi nécessaire, tend à ralentir le mouvement; c’est cette résistance que doit vaincre, pour maintenir la vitesse, la puissance motrice de la génératrice, et le travail pour elle sera d’autant moindre que le courant contre lequel elle lutte, en lui donnant naissance, sera moins intense. Lors donc que le courant est affaibli, par son propre travail ou autrement, peu importe, il résiste avec moins de force et le moteur est soulagé.

Il ne faut pas, dans ce singulier phénomène, voir une économie de travail; l’illusion serait manifeste. S’il y avait profit à ce genre d’influence, on pourrait l’imiter, quel que soit le moteur : un cheval, à l’aide d’un manège, met en marche une machine; qui empêcherait d’emprunter une partie de l’effet produit pour pousser à la roue et soulager le moteur? La maladresse serait grande: l’attelage, il est vrai, ne se fatiguerait guère, mais un fort cheval, par ce moyen, pourrait produire le travail d’un âne. Si l’on accroissait le rendement en augmentant purement et simplement le travail produit, il n’y aurait qu’à gagner; si c’était en diminuant le travail dépensé, le profit ne serait pas moins évident. S’il faut les diminuer tous deux, la question mérite qu’on la pose il faut l’étudier.

Un industriel compte, pour faire marcher son usine, sur une chute de 20 chevaux de force, située à 20 kilomètres. L’ingénieur fait construire et installe deux machines reliées par un fil et déclare, triomphant, qu’avec une dépense de 4 chevaux appliqués à la génératrice, la machine réceptrice en produit 3. Le rendement est 75 pour 100. Comment ce beau succès sera-t-il accueilli? L’industriel ne dira-t-il pas : « Je mets 20 chevaux à votre disposition, vous m’en transportez 3, vos machines ne rendent que 15 pour 100. « Il serait injuste; les chevaux sans emploi ne sont pas perdus. La distinction n’a rien de subtil : quatre machines semblables à la première, sur les 16 chevaux sans ouvrage, pourront en amener