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de la légende, très riche avec ses cinq sous, il aurait une puissance infinie. Cela répugne aux principes. L’intensité est diminuée parle travail et diminuée très inégalement. Deux courans d’intensité égale sont capables de la même force, non du même travail : tels seraient deux chevaux de vigueur égale, capables au départ du même effort, dont l’un pourrait le prolonger sans faiblir, pendant une heure entière, tandis que l’autre, dès la première minute, tomberait épuisé de fatigue. Deux courans de même intensité, appliqués à un même usage, à l’éclairage par exemple, peuvent donner des résultats très différens. Il peut se faire que l’un s’affaiblisse sans produire de lumière, et que l’autre éclaire presque sans s’affaiblir.

Les courans produits par la pile sont trop coûteux pour l’industrie. Jacobi, dès l’année 1838, n’en faisait pas moins manœuvrer sur la Neva, sous l’influence d’une pile, un bateau portant huit personnes. L’empereur de Russie, qui payait les frais, ne s’informait ni du nombre de chevaux mis en jeu, ni du prix de chacun; on obtenait, je crois, un demi-cheval, et la dépense n’avait pas besoin d’être multipliée par deux pour être fort grande. Dans les machines électromagnétiques, la rotation d’un aimant d’abord, puis celle d’une pièce de fer aimantée par la machine elle-même, en produisant des forces électromotrices presque indéfinies, ont changé les conditions du problème. Un aimant tourne sous l’influence d’une force purement mécanique, il produit un courant dans un fil enroulé près de lui; ce courant, portant au loin l’action, fait tourner au second aimant dont la rotation permet d’accomplir un travail. Pourquoi, dira-t-on, faire tourner un premier aimant pour obtenir, avec perte de force, en faisant intervenir deux machines, la rotation d’un second aimant? La perte de force est regrettable assurément et deux machines coûtent plus cher qu’une seule, mais les inconvéniens sont compensés, et au-delà, par la possibilité de choisir à son grêla place de la puissance motrice et des outils qu’elle conduit.

Une charrue, par exemple, dans une expérience célèbre, était tirée par l’action d’un courant. La machine génératrice, installée dans le village, aurait pu envoyer successivement, simultanément même, si on l’avait faite assez puissante, dans tous les champs de la commune, la force nécessaire au labourage.

Dans cette belle expérience, si décisive en apparence, la distance était petite et la force peu considérable. Il serait aisé d’allonger le fil; pourquoi ne pas lui donner 20,000 mètres au lieu de 500? C’est que, si l’on donne au fil 20,000 mètres au lieu de 500, il sera quarante fois plus long, la résistance au passage du courant s’accroîtra dans ce long chemin et l’énergie, affaiblie, ne suffira plus au travail. On pourrait obtenir dans ce fil de 20 kilomètres un