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représentans des puissances étrangères sont supposés hors du territoire où ils résident. Que serait, en effet, la souveraineté du pape s’il ne jouissait pas des immunités accordées aux simples ambassadeurs, et comment lui refuser, à lui et à ses ministres, un privilège qu’on ne conteste pas aux envoyés étrangers accrédites près de sa personne[1]? La loi du 13 juin 1879 ne prononce nulle part, il est vrai, le mot d’exterritorialité; mais elle la suppose partout, et si elle ne la mentionne pas expressément, c’est qu’elle accorde au pape bien plus en lui attribuant la souveraineté.

Pour apprécier la situation faite au pape depuis 1870, il importerait de savoir quelle est la valeur du titre de souverain que la législation italienne lui a déféré, ou mieux, a continué de lui reconnaître. C’est là un point essentiel et sur lequel il faudrait s’entendre. Jusqu’où s’étend, ou, si l’on aime mieux, à quoi se réduit cette souveraineté inscrite dans la loi et proclamée par l’Italie à la face des puissances? Quels en sont les droits et les prérogatives? C’est là en somme le nœud de la question pontificale, telle qu’elle est posée par les lois italiennes. Partout la première prérogative de la souveraineté, celle qui en semble l’attribut inséparable, c’est de ne relever que d’elle-même, de prêtre assujettie à aucune juridiction étrangère. Peu importent à cet égard les limites où elle s’exerce; quand elle serait réduite à un point géométrique, cet attribut essentiel n’en serait pas diminué. On ne peut guère s’être mépris là-dessus à Rome. La question de la juridiction des tribunaux du royaume sur l’intérieur du Vatican posait en réalité la question de la souveraineté de l’hôte du Vatican. C’était en quelque chose la pierre de touche des droits souverains assurés au pape en échange de sa royauté séculaire, par suite la pierre de touche de la loi des garanties. Aussi comprend-on qu’en face de la solution bâtarde adoptée par les juges de Rome, Léon XIII ait cru nécessaire d’adresser une protestation aux puissances, et que les organes du Vatican aient dénoncé la sentence des tribunaux italiens comme une marque du peu de sincérité et du peu de fidélité du gouvernement subalpin à ses propres engagemens.


V.

Notre siècle a peu de goût pour les discussions abstraites, et nous ne saurions, pour notre part, beaucoup le lui reprocher. Aussi ne nous

  1. Telle était assurément l’intention du cabinet qui a proposé la loi. Une circulaire du ministre des affaires étrangères du royaume, alors M. Visconti-Venosta, quelques jours après l’occupation de Rome, annonçait formellement aux puissances que les palais et résidences du pape jouiraient du privilège de l’exterritorialité. (Circulaire aux représentans de l’Italie à l’extérieur, en date du 10 octobre 1870.)