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les règlemens de l’administration vaticane et voir s’ils étaient conformes aux lois italiennes, les seules valables devant les tribunaux du royaume, la cour d’appel, de même que le tribunal civil, avait soin de juger contre les adversaires du Vatican. C’était une manière ingénieuse de se tirer d’embarras; mais, en même temps, les juges du royaume montraient par là peu de confiance dans leur droit ou dans la possibilité de l’exercer. En affirmant leur compétence, ils se gardaient bien de la mettre à l’épreuve. Si c’était là de la prudence, c’était au moins, de la part des tribunaux de Rome un singulier oubli de leur mission. Étaient-ils compétens pour trancher le différend du majordome pontifical et de Martinucci ; ils devaient juger effectivement, ils devaient instruire le procès en interrogeant les parties, en faisant produire les pièces. Dès qu’ils s’attribuaient le droit de connaître de l’affaire, ils en avaient le devoir, et c’est manifestement ce qu’ils n’ont pas fait, puisque, en retenant la cause, ils ont négligé de l’examiner. L’ancien architecte peut dire qu’il a été victime d’un déni de justice de la part même de tribunaux qui s’attribuent le droit de lui rendre justice.

Pourquoi les juges italiens ont-ils infligé à eux-mêmes et à la justice un pareil démenti? Cela est facile à comprendre. En suivant une autre ligne de conduite, en ne se contentant pas d’une sorte d’affirmation théorique et sans effet, en ne sacrifiant pas Martinucci, les tribunaux italiens se fussent jetés dans d’inextricables difficultés, dans des contradictions sans issue. Un instant de réflexion suffit à montrer qu’ils se fussent heurtés directement à la loi italienne des garanties. En effet, le tribunal ou la cour de Rome eussent condamné le majordome pontifical, qu’ils n’eussent pu faire exécuter leur sentence ; ils eussent simplement ordonné une enquête, que cette enquête n’eût pu avoir lieu. L’article 7 de la loi de 1871 ne déclare-t-il pas formellement qu’aucun « officier de l’autorité publique ou agent de la force publique » ne peut pénétrer « dans les résidences habituelles ou temporaires » du souverain pontife ? L’article 8 de la même loi n’a-t-il pas expressément exempté les documens, livres, ou registres des administrations pontificales, de toute visite, perquisition ou séquestre? En édictant de pareilles mesures, en inscrivant officiellement sur les murs du palais apostolique une sorte de Noli me tangere, le législateur italien a sciemment et volontairement désarmé les juges devant les portes du Vatican. Il a implicitement soustrait les affaires intérieures de la résidence papale avec les administrations pontificales, aux tribunaux ordinaires, pour abandonner la solution de toutes les contestations de ce genre au souverain pontife ou à ses représentans. Si, de par la loi des garanties, les autorités judiciaires du dehors ne peuvent instruire un procès ou faire exécuter une sentence dans