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Toutes ces dérogations à la loi de 1871 ne touchent que les sûretés et les honneurs accordés au pape en dehors du Vatican, que la situation extérieure du souverain pontife pour ainsi dire. Comment la loi a-t-elle été entendue pour le plus essentiel, pour ce qui concerne directement la liberté pontificale, pour sa résidence et l’intérieur de son palais ? Sous ce rapport les garanties accordées au saint-père ont été plus scrupuleusement respectées. Dans l’enceinte de son palais, le pape est demeuré entièrement maître : il y a vécu en souverain, y ayant sa cour et ses gardes, ses suisses et ses gendarmes, y régnant et y gouvernant seul sans intrusion du dehors, recevant librement les pèlerins du monde entier et les ambassadeurs accrédités auprès de sa personne. Les lois italiennes comme la police du royaume se sont arrêtées sous la colonnade du Bernin, au pied de l’escalier de la cour de Saint-Damas. Le Vatican est resté dans un angle de la capitale italienne comme une enclave étrangère, comme une sorte de San-Marino ecclésiastique. Tant que sera exécutée la loi des garanties qui assure l’inviolabilité de la résidence pontificale, il en sera ainsi. Le pape semblera un souverain dont l’autorité a été resserrée aux limites d’un palais ; le Vatican paraîtra un état indépendant dont le pape est le vrai roi, mais un roi n’ayant que des sujets volontaires.

La manière la plus simple de trancher la question pontificale, de couper court à toute difficulté avec la papauté, eût été, croyons-nous, de reconnaître en droit cette sorte de petite souveraineté autonome que la loi des garanties laisse subsister en fait. Un grand royaume comme la nouvelle Italie eût pu, sans inconvénient, tolérer au Vatican, au profit de la papauté, ce qu’il admet à Saint-Marin en faveur d’une sorte de fossile communal, ce que la France tolère à Monaco au profit de qui l’on sait. De cette façon, en laissant au saint-siège une souveraineté réduite aux dimensions d’un palais et d’un jardin, on eût prévenu bien des complications et des malentendus ; on fût sorti des fictions légales et des subtilités juridiques. On n’aurait pas à se demander ce que peut être une souveraineté sans territoire où s’exercer. On n’aurait pas à décider dans quel cas les hôtes du Vatican relèvent des lois et des juges du royaume : on eût laissé au pape ses juges et ses tribunaux comme il a ses gardes. De cette façon, les catholiques n’auraient pu se plaindre de voir entraver la liberté du saint-père, et les puissances en lutte avec la curie romaine n’eussent jamais pu être tentées de demander aux ministres du roi compte des faits et gestes du Vatican.

Ce point de vue, qui aurait singulièrement simplifié les relations de l’Italie et de la papauté, n’est pas, on le sait, celui du gouvernement italien et de la législation des garanties. Tout en laissant au pape la libre administration du Vatican, la loi de 1871 s’est gardée