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avaient constaté ce fait depuis longtemps. La zone privée d’aurore embrasse un cercle d’environ 8 degrés de rayon[1].


V.

Les travaux de M. Lenström, travaux dont l’examen nous servira de conclusion, ont cela d’intéressant qu’ils constituent une preuve directe et définitive de la nature électrique des aurores boréales. Il semblait que les expériences élégantes de M. de La Rive avaient tranché la question ; il n’en était rien, car il y a huit ans à peine qu’un Allemand, M. Groneman, a combattu les idées généralement adoptées dans le monde savant, pour proposer une autre hypothèse. M. Lenström est allé plus loin que le physicien de Genève, en ce sens qu’au lieu d’opérer dans un cabinet de physique, il a réussi à reproduire le météore lui-même en plein air; il l’a forcé à se manifester, comme jadis Franklin et Dalibard ont fait descendre la foudre du ciel pour l’examiner scientifiquement.. N’oublions pas, du reste, qu’il est fort méritoire d’opérer par un froid de 30 degrés, pendant que la bise souffle, que le givre entrave le fonctionnement des appareils, qu’il faut sans cesse visiter et réparer, et que le seul abri dont on dispose est une hutte semblable à celle de nos charbonniers.

Non contente de provoquer des aurores artificielles, l’expédition finlandaise dont M. Lenström. faisait partie a pu recueillir plusieurs données importantes relativement à la manifestation libre du phénomène. Les observations ont été faites à Sodankylä et à Kultala[2] (Laponie) en novembre et décembre 1882. Dans la première de ces deux localités, « l’aurore polaire se montrait souvent d’une intensité très grande, mais elle n’offrait pas pourtant beaucoup de variation. Elle commençait ordinairement par un arc faible au nord, qui se développait bientôt en arc avec rayons et quelquefois en draperies tendues de l’est à l’ouest, le plus souvent un peu vers le nord. » La couleur changeait peu : presque toujours une teinte jaune pâle, légèrement lavée de vert, se manifestait. Bien que le météore ne fût pas continuellement visible, on observait fréquemment au spectroscope, et même assez haut sur l’horizon, la bande caractéristique des aurores sans que l’œil en perçût aucune trace de lueur. Ce fait se produisant même eu l’absence de la neige, on

  1. Elle est tracée approximativement dans le tome II de la Terre, par M. E. Reclus.
  2. Coordonnées géographiques de ces deux stations en nombres ronds-: Sodankylä, 67° de lat., 27° long. E. de G.; Kultala 78° 1/2 lat., 27° long. E. de G.